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It's Our War

6 juin 1944 

La mer était sombre à cette heure de la matinée. C’était le matin du 6 juin 1944, date qui restera pour toujours gravée dans les mémoires. Enfin, en cette période, on espérait seulement que cela repousserait l’armée allemande pour enfin combattre la tyrannie qu’Hitler imposait partout en Europe. Sur le bateau qui le menait sur les côtes françaises, occupées depuis 1940 par les allemands, Pacey scrutait l’horizon. Ils y seraient dans quelques minutes maintenant et la guerre commencerait vraiment pour eux.
Pacey Witter avait seulement vingt-cinq ans, il avait espéré de sa vie autre chose que de venir risquer sa vie sur les bords de France mais quelque chose l’avait poussé à s’engager pour sauver le monde. Il avait toujours été comme ça, malgré son tempérament dynamique, il essayait toujours de sauver tout le monde. Sa main se porta à une de ses poches de son uniforme où refermait la photo de sa femme, Andie, qui l’attendait au pays ainsi que de la dernière lettre de celle-ci. Il se refusa d’y penser, surtout pas à un moment pareil et tira une dernière fois sur sa cigarette avant de la jeter. A ses côtés, son meilleur ami Dawson Leery fixait lui aussi l’horizon. Ils faisaient partis de la première division d’infanterie américaine et, dans quelques minutes, l’assaut allait être ordonné. 

-La terre est en vue, murmura celui-ci
à son meilleur ami.
-C’est le moment décisif, acquiesça Pacey avant de rajouter : n’oublie pas notre promesse. 

Le soleil se levait à peine et l’ordre vint, ils commencèrent à descendre dans l’eau pour rejoindre la plage. On ne voyait presque rien, il restait du brouillard des obus lancés la veille sur la ville qui bordait le front de mer. A peine les premiers soldats mirent pied à terre que des rafales de mitraillettes venant de la bordure sifflèrent. Les allemands étaient là, ils les attendaient. Pacey roula sur le côté, évitant de peu une balle mortelle. Autour de lui, des dizaines de ses compatriotes tombèrent sous les balles ennemies. Furieux de cet échec, Pacey chargea et tira à l’aveugle vers le haut de la plage. Qu’il soit tué si Dieu le voulait, mais qu’il tue des allemands avant ! Ses pensées se tournèrent un instant vers Dawson, en espérant qu’il fut sauvé. Il aurait préféré que son ami ne vienne pas avec lui mais c’était, semble-t-il, sa destinée. Pacey continua à tirer en remontant la plage en courant. Un gradé passa à côté de lui, criant des ordres. C’était le capitaine Parker, un homme bon et stratégique. Pacey le suivit sans hésiter, et c’est sans doute ce qui le sauva, contrairement à des centaines d’autres, morts sur la plage avant de n’avoir rien pu faire pour se sauver eux, ni sauver la France, l’Europe. Parker et quelques soldats comme Pacey continuèrent à avancer sous les rafales de balles, certains tombèrent mais bientôt ils purent se mettre à l’abri, ils continuèrent d’avancer pour encercler les allemands, pour vivre à tout prix, pour s’avancer dans les campagnes françaises et sauver la France de l’envahisseur.  Ils purent enfin s’arrêter, à l’abri. Ils étaient une dizaine autour du capitaine Parker. Pacey scruta les visages de ceux qui, pour l’instant, étaient sauvés. Dawson n’était pas parmi eux. Son cœur se serra à l’idée qu’il ait pu perdre son meilleur ami sans le savoir, sans avoir pu et même essayé de l’aider.
Mais ils s’étaient promis de ne pas faire de folies pour l’autre. Ce qu’il fallait, c’était survivre coûte que coûte, sans s’occuper de l’autre. Il se focalisa sur le discours de Parker. Il fallait rejoindre Ouistreham, le village le plus proche, où des résistants pourraient les accueillir. Parker y avait une amie qui pourrait les aider. Pacey balaya du regard la plage couvert de corps avant de les suivre. Mais un mouvement le fit s’approcher. Dawson !  

-Attendez !
cria-t-il au groupe qui partait, revenant sur ses pas.
-On doit y aller, Witter ! Suivez-nous ! cria le capitaine.
-Je vous rejoins. 

Pacey retourna à la bordure de la plage et faillit manquer d’air en voyant Dawson. Son uniforme était rouge de sang, il était blessé.  

-Pacey…
murmura celui-ci.
-Courage, Dawson, je suis là. 

Pacey passa les bras de son ami sur ses épaules et le porta pour rejoindre le petit groupe qui avait pris de l’avance. Il entendait encore les balles siffler derrière lui. Soudain, une douleur cuisante le fit s’écrouler. Il était touché au bras. Refusant d’admettre sa douleur, et alors peut-être sa perte, il ne lâcha pas Dawson, jeta un regard derrière lui. Deux soldats s’approchaient, leur tirant dessus. Il poussa Dawson derrière un bosquet avant de prendre sa mitraillette et de tirer, tirer et encore tirer jusqu’à ce que les deux soldats allemands tombent. Il reprit le corps de son ami qui gémissait de souffrance, ignorant son propre supplice et reprit sa route. Les bruits s’éteignirent petit à petit alors qu’ils s’éloignaient de la plage. Il ne comprenait pas comment ce débarquement si soigneusement préparé pendant des semaines par des stratèges de haut niveau avait pu échouer, les menant à leur perte, eux les soldats américains et peut-être le monde, en tout cas la France.  

Les premières maisons firent enfin leur apparition, libérant Pacey d’un grand poids. Il pourrait retrouver Parker et les soldats, Dawson serait soigné et il pourrait repartir au front. Mais soudain, des voix se firent entendre. Une langue inconnue, des soldats allemands ! Paniqué, Pacey entra dans la première ruelle et se retrouva face à une jeune femme. 

-Ne criez pas !
supplia-t-il.
-Vous êtes américain ? demanda-t-elle avec un accent américain parfait.
-Oui, il est blessé, s’il vous plait…
-Suivez-moi ! dit-elle simplement. 

Pacey la suivit, elle les mena dans une maison à travers quelques ruelles. Elle les mena à la cave avant d’ouvrir une trappe que Pacey n’avait pas remarqué. 

-Cachez-vous là, ils vont surement fouiller toutes les maisons, je reviendrais vous chercher.
 

Pacey obéit et s’incrusta dans la petite pièce, allongeant Dawson à terre. La jeune fille referma la trappe et remonta dans la maison.  

Joey reprit son souffle et remonta dans la maison, vacant à ses occupations. Elle mit son pot au feu sur la cuisinière et commença à éplucher les pommes de terre qu’elle venait d’aller chercher. Des jours qu’elle attendait ce débarquement et il était arrivé en retard et cela avait été terrible. Hier, les alliées avaient bombardé les villes alentours, ayant mal calculé l’éloignement des terres. Maintenant, il allait falloir improviser. Comme elle l’avait prévu, elle entendit des voix allemandes dans les rues, les soldats s’approchaient. Quelques minutes plus tard, des coups raisonnèrent à sa porte. L’air confiant, elle alla ouvrir et salua les arrivants en français. Ils l’interrogèrent et fouillèrent la maison. Ils allèrent jusqu’à sa cave… Son cœur s’accéléra mais elle garda un visage serein pour ne pas que le commandant qui la surveillait n’y voit un indice. Elle savait pourtant que la sous-cave ne pouvait être découverte… mais si elle l’avait mal refermé ? Assaillie de doutes, elle se détendit imperceptiblement quand elle vit les deux soldats qui étaient descendus, revenir bredouilles. Ils la saluèrent brusquement et repartirent vers la maison voisine. Elle attendit encore une heure, pour être sur que les soldats ne reviendraient pas et avaient quitté la ville. Ils devaient penser que les soldats américains avaient rejoint la forêt de l’autre côté de la ville. Elle descendit ensuite voir ses protégés. Ils étaient deux, dont un mal en point. Elle les aida à remonter et installa le blessé dans une des chambres. C’était la maison familiale, il y avait donc trois chambres. Une pour ses parents, une pour sa sœur et une pour elle. Elle oublia ses pensées familiales pour se concentrer sur les deux soldats blessés. Le plus souffrant était blond, il avait pris deux balles, une dans le torse et une dans le bras. Joey ne se faisait pas trop d’illusion, elle doutait qu’il survive longtemps malgré ses soins. Elle devrait appeler une de ses voisines mais elle n’était pas sur qu’elle tiendrait sa langue face aux allemands. Elle descendit dans sa cuisine pour prendre des herbes médicinales qu’elle cultivait avant de remonter. Pendant une heure, elle le soigna, un peu inquiète de n’avoir aucune nouvelle de Jen. Il s’endormit, la fièvre un peu tombée, mais le sommeil agité. Elle se retourna pour voir l’autre homme qu’elle avait plus ou moins occulté. Il était tout à fait différent du blessé. Il était grand et brun avec un regard de velours. Il était séduisant et faisait accélérer les battements de son cœur. 

-A vous maintenant,
dit-elle d’une voix douce. Suivez-moi dans l’autre chambre, laissons votre ami dormir. Je m’appelle Joey.
-Moi c’est Pacey et lui, c’est Dawson, se présenta-t-il en la suivant hors de la chambre. Merci beaucoup de l’avoir soigné.
-C’est normal…
-Vous êtes américaine ?
-Oui, mais j’habite ici depuis longtemps. Cela ne fait presque aucune différence. Enlevez votre haut d’uniforme que je soigne votre plaie. Racontez-moi ce qu’il s’est passé… 

Pacey lui obéit et enleva sa chemise ; son bras était en sang. Doucement, elle désinfecta la plaie, la balle avait traversé son bras. Pacey lui raconta donc tout ce qu’il se rappelait du débarquement, elle écoutait patiemment, le soignant de ses mains douces. Elle essayait d’ignorer ses émotions à la vue de son torse. Elle n’avait jamais été aussi proche d’un homme, pour elle, ce n’était pas bien.  

-Et bien ! Quel périple !
Déclara-t-elle.
-Il faudrait que je retrouve les autres soldats, il devait venir chez quelqu’un.
-Ils sont surement chez Jen, ne vous inquiétez pas. Elle doit venir me prévenir… -Jen ?
-Une amie. 

A ce moment, des coups frappèrent à la porte. Contrôlant son affolement, Joey alla vérifier à la fenêtre et se détendit en voyant Jen. Elle descendit rapidement et lui ouvrit. Après avoir fermé la porte, elles se rassurèrent mutuellement. Jen et Joey se connaissaient depuis l’enfance mais n’avaient jamais été spécialement amies. Il y avait trop de différences entre elle et dans un sens, cela faisait qu’elle se ressemblait un peu trop pour s’entendre. Mais la guerre et leur caractère les avaient rapprochées. Elles n’étaient pas du genre à subir leur vie mais plutôt à se battre pour que celle-ci devienne meilleure. Habitées une ville occupée par l’ennemi leur avait fait comprendre qu’il fallait se battre pour sa survie et depuis elles s’étaient alliées dans la résistance.  

-Les soldats sont arrivés chez moi !
Annonça-t-elle en enlevant la capuche de sa veste, découvrant de longs cheveux blonds, c’était une possibilité bien sur mais j’aurais préféré que cela marche. Ils ont été suivi par des allemands, heureusement que j’ai eu le temps des les cacher.
-J’ai deux soldats chez moi. Ils sont là-haut. Ils sont blessés, l’un plus gravement que l’autre. Ce sont eux que les allemands suivaient, j’ai juste eu le temps de les cacher à la cave moi aussi avant qu’ils n’arrivent. Ils ont fait un de ses raffuts quand ils sont arrivés, une vraie symphonie. Le premier est gravement blessé, je ne sais pas s’il survivra s’il n’a pas de soins de médecins.
-Je crois qu’il y a un médecin parmi ceux qui sont chez moi, on fera en sorte qu’il vienne voir ton blessé. Et l’autre ?
-Juste son bras, ca devrait aller d’ici quelques jours mais un médecin serait mieux, j’ai fait ce que j’ai pu.
-Bien. Je vais retourner chez moi et je t’envoie un médecin d’accord. Prends soin de toi.
-Prends soin de toi, répéta Joey en lui faisant la bise. 

C’est incroyable parfois ce que la vie entraine. On croit connaitre les gens mais ce sont les épreuves qui forgent les caractères mais aussi les liens. Joey remonta dans les chambres pour voir ses blessés. Le premier avait un sommeil torturé, il gémissait dans son sommeil. Joey lui fit boire un peu de tisane qu’elle avait préparée à son intention. Il fit un mouvement brusque et cassa un cadre photo qui contenait une photo de sa famille, cadre qu’elle avait fait elle-même quand elle n’avait que sept ans. Triste de la perte de cet objet précieux, elle ramassa les débris, les mit dans sa chambre, se promettant de le réparer. Elle ne s’attarda pas sur la photo qui ferait remonter des souvenirs trop douloureux. Elle alla ensuite retrouver Pacey dans l’autre pièce. Il était en train de lire une lettre et elle le laissa seul, elle avait fini de le soigner, il lui fallait juste du repos avant l’arrivée du soldat médecin que Jen lui avait promis. Dans la chambre, Pacey n’avait pas réagi à l’arrivée de Joey et elle était donc repartie. Pacey avait besoin de temps pour se remettre. Il savait que Dawson avait peu de chances de survivre et tout ce débarquement lui apparaissait comme un effroyable échec. Il avait dans la main la dernière lettre d’Andie et sa photo, pas qu’il ait besoin de celle-ci pour se souvenir du visage parfait de celle qu’il aimait tant. Il relu une nouvelle fois la lettre de sa bien-aimée.  

Cher Pacey, 
 

Déjà deux mois que tu es parti et tu me manques tant.  Ces mois qui vont venir et que je passerais sans toi vont me paraître terriblement long. Je soupçonne que vous vous entrainez dur et j’espère que tout se passera bien, pour toi et Dawson. Mais j’ai confiance en l’avenir, en Dieu qui vous sauvera si telle est votre destinée. J’aurais tellement aimé que tu restes près de moi et de notre fille qui grandit de jours en jours. Tu lui manques beaucoup et je sais qu’elle te manque aussi alors nous t’embrassons fort de notre petite ville de Capeside. Je sais que tu fais quelque chose de bien mais j’aurais tellement aimé que cette guerre ne nous rattrape pas, qu’elle reste en Europe loin de nous et nos vies si paisibles. Mais ce n’est pas le cas et mes pensées sont égoïstes, je l’ai toujours été. Ici, tout se passe bien. Jack se remet lentement de son accident. Il s’en veut beaucoup et espère vous rejoindre dès que son état lui permettra. D’ici quelques semaines, il pourra de nouveau marcher, sa jambe se sera ressoudée et il s’engagera si la guerre n’est pas encore finie. Oh que je rêve qu’elle soit finie pour que tu rentres dans notre foyer pour reprendre notre vie, pour que mon frère ne soit pas obligé de partir vous rejoindre au front, que je ne perde pas les trois hommes de ma vie. Embrasse Dawson si tu le vois, lui aussi me manque, son éternel optimisme me manque et m’enfonce dans mon éternel pessimisme ! Il manque aussi à Holly, son parrain lui manque et nous prions tous les jours pour votre retour mais aussi pour la fin de cette guerre et de ses massacres. Je crois en ce Dieu tout puissant qui nous sauvera tous.
Je te laisse mon amour avec toutes mes pensées. Sache que je suis toujours avec toi dans ton cœur et que je t’aimerais pour toujours. 

A toi.
Andie. 

La feuille était tachée de larmes, de celles d’Andie surement et des siennes. Son cœur se serra à la pensée de sa femme et de sa fille qui l’attendaient impatiemment de l’autre côté de l’océan. Il plia la lettre, la rangea avec la photo dans sa poche. Puis il rejoint son hôtesse dans la cuisine. Elle était à la table de la cuisine, devant une multitude de papiers. 

-Je vous dérange ? demanda-t-il en s’asseyant en face d’elle.
-Non, pas du tout, j’essaie de voir le meilleur chemin pour que vous repartiez. Jen envoie un médecin soldat pour vous et votre ami.
-Merci beaucoup… Pourquoi faites-vous tout ça ? Si les allemands vous trouvent, vous êtes mortes.
-Si je ne fais rien, je m’en voudrais toujours, il faut se battre contre eux, contre Hitler. Si personne ne le fait alors on meurt… l’issue est toujours la même finalement. Vous voulez manger ? J’ai préparé quelque chose.
-Je veux bien, je suis affamée. 

Joey se leva, rangea ses papiers dans le coffre-fort et mit le couvert.  

-Votre fourchette,
dit-elle en lui tendant ses couverts alors qu’il regardait ailleurs.
-Ah merci, excusez-moi. 

Ils mangèrent tout en parlant. Joey lui expliqua ce qu’elle faisait depuis trois ans qu’elle était entrée en résistance. Elle avait longuement hésité mais la mort de sa sœur l’avait incité. Son père était parti en guerre en 1939 et était mort dans les semaines qui suivirent, laissant sa femme, malade, qui mourut quelques jours plus tard, et ses deux filles. Bessie avait hésité, elle aussi, à rentrer en résistance mais un jour, des soldats allemands avaient voulu jouer et l’avaient sauvagement violé avant de la laisser agoniser pendant des heures. Joey l’avait retrouvé dans une carrière près de la ville et elle avait été anéantie par la perte du dernier membre de sa famille. Jen était venue la réconforter. Joey avait alors juré sur la tombe de sa sœur qu’elle la vengerait et elle était rentrée en résistance aux côtés de Jen qui l’avait soutenu. Joey se sentit confuse de lui avoir dévoilée sa vie aussi facilement et s’excusa. Avec lui, elle s’était sentie libre de parler de tout, de ses plus profonds secrets. Pacey ressentait aussi ce naturel qu’il y avait entre eux, il l’excusa et à son tour lui parla de sa vie, de sa femme et de sa fille, de son engagement dans l’armée mais aussi de Dawson, son frère de cœur. Après le repas, Joey retourna voir celui-ci qui s’était réveillé. Avec l’aide de Pacey, elle lui donna à manger. Puis le médecin vint et essaya de faire son maximum mais celui-ci aussi était sceptique sur la survie du soldat. Le capitaine Parker l’accompagnait pour savoir si Pacey venait avec eux, ils partiraient avant la nuit. Pacey accepta sans hésiter et Parker lui donna le point de rendez-vous. A peine le médecin et le capitaine partis, Pacey se retourna vers Joey, l’air soucieux. 

-Pourrais-je vous demander de veiller sur Dawson pour moi ? Il ne peut nous accompagner et je ne peux refuser de partir. S’il vous plait…
-D’accord mais il faut que vous me disiez quoi dire s’il se réveille et surtout quoi faire s’il décède… 

Le regard de Pacey s’assombrit, il ne voulait pas perdre son meilleur ami mais il était tiraillé entre son devoir envers son pays, celui de servir l’armée américaine et de sauver la France et son devoir d’ami.  

-Vous croyez qu’il va mourir ?
demanda doucement Pacey.
-Je le crains, répondit Joey après quelques secondes.
-Il pourrait y avoir un prêtre à ses côtés ? Il est croyant et… pour son dernier voyage ?
-Je ferais en sorte que oui. Je le ferais passer pour un cousin.
-Merci Joey. 

Leurs regards se croisèrent et, encore une fois, Joey se troubla face à son regard, face à ce charisme qui émanait de lui et auquel elle ne pouvait, semble-t-il, résister. Pacey ressentit aussi cette émotion qu’il connaissait bien, lui, mais qui était d’habitude destiné à une autre femme, à sa femme… Cette femme en face de lui, si forte, si femme, lui retournait les sens. Il détourna le regard et s’approcha du lit de Dawson.  

-M’écrieriez-vous ?
demanda-t-elle d’une voix douce.
-Je ne sais pas… ce ne doit pas être une bonne idée Joey.
-Dawson serait ravi d’avoir des nouvelles… et moi aussi. J’essaierais de vous donner des nouvelles par nos propres moyens.
-Vos propres moyens ?
-La résistance. Nous sommes dans un réseau étendu. 

Ils avaient passé la journée ensemble, se parlant, riant parfois, ressentant cette attirance, cette tendresse entre eux, essayant de la mettre dans un coin de leur esprit, mais à chaque regard, chaque geste, une tension flottait dans l’air… Le soir arriva vite et Pacey se prépara. Son bras ne lui faisait plus mal et Joey lui avait donné des herbes qui l’aideraient à guérir. Il s’approcha de Dawson pour lui faire ses adieux. Il prit sa main dans la sienne… 

-Dawson, je pars, je dois faire mon devoir. Joey va s’occuper de toi… Prends soin de toi et reviens-nous. Tu ne peux pas me laisser tomber. Adieu… 

En réponse, la seule qu’il pouvait faire, Dawson lui serra faiblement la main mais Pacey prit ça comme un espoir. Il se retourna, souriant, vers Joey qui avait le regard ému. Elle l’accompagna chez Jen, le point de rendez-vous. Il put voir celle-ci de plus près. Elle avait les traits durs de celles qui ont vu trop de drames dans leur vie. Ce fut alors le moment de partir. 

-Prenez soin de vous,
recommanda Joey en lui serrant doucement la main, j’aurais une pensée pour vous au solstice. 
-Quand ?
-Le solstice d’été, le 21 juin, répéta-t-elle.
-Un truc de sorcières, grommela un soldat près de Pacey.
-Exact, confirma Jen avec un sourire, on invoque des tas d’esprits lors des solstices.
-Ou des équinoxes ! Rajouta Joey en riant. 

Pacey fronça les sourcils, ne comprenant pas tout de ce qu’ils disaient mais Joey lui serra la main avec confiance avant de la lâcher quand retentit l’ordre de Parker de s’en aller. Jen et Joey les regardèrent s’en aller alors que la nuit tombait. 

-Je dois rentrer retrouver mon blessé
, déclara Joey, tu viens ?
-Je te suis. Tu vas bien Joey ? Je ne t’avais jamais vu comme ça avec un homme, ce Pacey, t’aurait-il séduit ?
-Non, mentit Joey. Ce n’est qu’un soldat que j’ai aidé. 

Jen hocha la tête sans rien dire, suivant son amie, pas dupe de son mensonge. Elle vit Joey se retourner une dernière fois sur les soldats qui disparaissaient dans le crépuscule tandis qu’elles rentraient dans la maison, à l’abri, enfin pour un certain temps du moins.   

                                                       ***  


21 juin 1944
 

Après un dernier au revoir à Jen, Joey rentra chez elle retrouver Dawson. Contre toute prédiction, celui-ci avait survécu, il était encore un peu faible mais allait beaucoup mieux. Il ne pouvait pas encore marcher mais il mangeait seul désormais. Joey en était heureuse. Elle avait beaucoup lutté contre l’infection qui l’avait prise mais grâce aux conseils du médecin soldat, de ses propres compétences et surtout de Mr. Brooks, un voisin résistant, le jeune homme avait été sauvé. Il faisait nuit depuis longtemps mais elle monta tout de même voir Dawson qui était devenu son ami. Il ne dormait pas, lisait, semblant l’attendre. 

-Vous ne dormez pas ? demanda-t-elle doucement en s’approchant.
-Non, je vous attendais plus ou moins, vous savoir seule dehors en pleine nuit…
-Je n’étais pas seule, j’étais avec Jen, ne vous inquiétez pas pour moi. Comment allez-vous ?
-Je me sens bien et c’est grâce à vous. J’attends des nouvelles de Pacey avec impatience.
-J’espère que nous en aurons bientôt… 

Elle lui souhaita une bonne nuit et le quitta pour rejoindre sa propre chambre, pour qu’il puisse se reposer. Elle se sentait lasse après la soirée du solstice, elle ne s’était pas vraiment reposée depuis des semaines, depuis qu’elle était entrée en résistance, s’inquiétant pour son sort, celui de ses compagnons et maintenant, celui de Dawson et Pacey…
En souriant, elle prit la photo qui se trouvait sur sa table de nuit, elle avait réparé le cadre après que Dawson l’ait cassé involontairement, voir cette photo lui faisait toujours du mal. Voir ce sourire figé sur les visages de ceux qu’elle avait aimé le plus au monde, ceux qui étaient tous morts sous le fusil des allemands. Elle se souvint alors de ce jour, le 6 juin 1944, le jour du débarquement qui les avait tous réunis au bord de la forêt, jour où elle avait vu Pacey partir. Elle ne cessait de penser à lui, ce qui la culpabilisait beaucoup. Il avait une famille, une femme, une enfant, Dawson lui en avait parlé, elle n’aurait pas du ressentir des émotions tendres à son propos.  Les jours passaient à Ouistreham, tous ressemblant. Joey s’occupait plus de Dawson que de ses missions mais Jen lui avait demandé de venir avec elle ce jour-là. Elle laisserait donc Dawson sous la surveillance de Mr. Brooks. Avec Jen, elles avaient été surprises de voir celui qu’elle considérait comme un sénile, être un résistant, fidèle à De Gaulle. Le matin, tôt, elle l’invita à rentrer chez elle. 

-Bonjour Joséphine,
salua Mr. Brooks, comment va notre blessé ce matin ?
-Mieux, de jour en jour, cela fait du bien de le voir comme cela.
-Vous êtes prête ?
-Bien sur, je vous laisse, il dort encore et je ne lui ai rien dit.
-Faites attention à vous. Même si le front a été repoussé, il y a encore des allemands.
-Je sais, nous serons partis deux jours.
-Jennifer m’a prévenu. 

Après un dernier conseil et un encouragement, Mr. Brooks laissa Joey rejoindre Jen. Celle-ci l’attendait de pied ferme et elles se mirent en route sans rien dire.  


                                                      *** 


Se cachant dans les bosquets, Pacey attendit le bon moment, le signal de Parker et quand celui-ci lui parvint, l’assaut commença. Depuis quelques jours, ils avaient rejoint une compagnie américaine et ils comptaient faire tomber la ville de Cherbourg. Au bout de quelques jours, ils y parvinrent. Le 26 juin, Cherbourg était libérée. Pacey en profita pour souffler et pour écrire une lettre qui lui tenait à cœur. Il avait envoyé une lettre à Andie il y a quelques jours déjà, il devait maintenant en écrire une autre… 

Joey,

ici tout va bien pour moi et j’espère que pour vous, il en est de même. Les armées américaines avancent, vous devez surement le savoir et nous venons de prendre Cherbourg aux allemands. Je suis confiant maintenant, nous irons de victoires en victoires. Dieu est avec nous. J’espère que mon ami Dawson s’est remis même si les espoirs étaient vains. S’il est encore présent, donnez-lui toutes mes amitiés. La guerre finie, je repasserais vous voir pour vous remerciez, vous et Jen, de tout ce que vous avez fait pour nous. Prenez soin de vous.

Avec toutes mes pensées
Pacey 

Il faillit railler la dernière phrase mais finit par la laisser, elle l’aurait vu de toute façon et cela n’avait rien que d’amical. Bien sur, il se mentait un peu. Non qu’il l’aimât, c’était Andie, sa femme, qu’il aimait mais elle avait remué quelque chose en lui, quelque chose qu’il préférait ignorer, se concentrant sur sa mission, sur la guerre.  
Il rejoignit ensuite ses compagnons. Il s’était beaucoup lié au capitaine Parker, même s’il savait qu’il fallait éviter de s’attacher pendant la guerre, on pouvait perdre un ami en une seconde mais Parker était fort, il avait l’instinct sur et ils s’entendaient très bien. Il n’avait pas de femmes qui l’attendaient au pays, lui, mais Pacey soupçonnait que son cœur soit tout de même pris. Ils restèrent deux jours à Cherbourg avant de repartir. La prochaine ville à délivrer serait Saint-Lô et ils espéraient après, Paris… 

                                                     *** 

Dans la nuit, une autre nuit, Joey rentra chez elle, épuisée. Elles avaient marché deux jours pour pouvoir donner le message à temps dans une petite ville de Normandie à quelques kilomètres de la leur. Il y avait moins de risque qu’au début mais quelques allemands étaient encore là. Elles avaient eu quelques frayeurs mais maintenant, tout risque était passé, du moins pour le moment… Elle monta voir Dawson qui s’était endormi. Elle conta leurs journées à Mr. Brooks et il s’en alla, la laissant seule, épuisée.  
Le lendemain, Dawson la pria de tout lui raconter et elle se laissa convaincre.  

-Je trouve ça passionnant,
déclara-t-il alors qu’elle finissait son histoire. Se battre pour son pays, vous êtes très courageuse.
-Pour moi, cela devait se passer comme ça, je ne pouvais pas ne rien faire et vous aussi vous êtes courageux, venir dans un pays inconnu pour le sauver, vous auriez très bien pu rester dans votre pays mais non… Pourquoi vous êtes vous engagez ?
-Pacey l’a fait le premier. J’ai beaucoup réfléchi après qu’il se soit engagé et il a semblé que c’était mon destin… Ca a brisé le cœur de ma mère mais je me devais de le faire… mais je ne serais pas allé très loin… j’aimerais tellement repartir, rejoindre Pacey, sauver des vies, sauver la France !
-Au moins, vous n’êtes pas mort et c’est le principal.  

Les journées continuèrent à défiler. Joey reçut la lettre de Pacey et elle en fut ravie, elle la lut à Dawson, en bref, sautant des lignes. Celui-ci était resté perplexe devant la joie discrète de Joey à recevoir une lettre de cet homme qu’elle n’avait connu pourtant si peu. Dawson réfléchit quelques instants, Joey lui avait pourtant dit qu’il n’était resté qu’une journée… elle semblait pourtant nourrir des sentiments envers son ami d’enfance.  

                                                      *** 

Un jour de juillet, alors que l’armée des alliées avançait pas à pas pour la libération des villes du Nord de la France, la vie à Ouistreham avançait tranquillement. Un jour où Joey et Dawson parlaient librement de cette avancée, l’on frappa à la porte. Joey s’excusa et découvrit une Jen bouleversée devant sa porte. Elle la fit rentrer rapidement et Dawson les laissa seules. Joey n’avait jamais vu le visage de son amie aussi défait. Jen gardait toujours une grande maîtrise d’elle-même. Mais ce jour-ci, elle s’effondra sur une chaise face à son amie, retenant ses larmes avec difficulté. Depuis des jours, elle n’arrivait pas à refaire surface, depuis qu’elle avait appris LA nouvelle qui allait, peut-être, surement, détruire sa vie. Elle avait enfin décidé d’aller en parler à Joey, celle-ci ne la jugerait pas, elles avaient traversé trop de choses ensembles. 

-Je…
commença-t-elle, la voix cassée, je sais qu’on n’est pas ami depuis longtemps mais j’ai besoin de toi, Joey.
-Dis-moi ce qui ne va pas, demanda Joey, tendue.
-Je suis enceinte.
-Oh ! (Attendant quelques secondes). Je ne sais pas quoi dire… Qui est le père ? 

Ayant peur de son aveu et de ses conséquences, Jen fondit en sanglot. Joey l’enlaça tendrement, la laissant se laisser aller. Jen se reprit enfin, prit son souffle et se lança. 

-Tu te souviens, il y a deux mois, je suis partie pour une mission dont je ne t’ai pas trop parlé. Seul Corbeau
leur chef de mission – le savait puisqu’il me l’a demandé… Je devais voler un document important à un allemand, dans un hôtel, à Paris. J’y suis allée quelques jours avant pour  suivre cet allemand et pour voir ses habitudes. Mais le premier jour… à l’hôtel, j’ai rencontré un homme. Le coup de foudre, Joey, je n’avais jamais vécu ça et sans penser aux conséquences, je me suis laissé aller… Je savais que ce n’était pas bien mais je ne pouvais m’en empêcher.
-Tu sais son nom ?
-C’était un allemand, Joey, il parlait français mais j’ai reconnu son accent mais je ne voulais pas me l’avouer. C’était l’allemand à qui je devais voler les documents ! Ne me juge pas, s’il te plait, demanda-t-elle précipitamment en lui prenant la main, je sais que c’est mal et je m’en veux énormément depuis mais… mais… je me sentais tellement bien avec lui.
-Ok… tu en as parlé à quelqu’un ? Tu as volé ses documents ?
-Oui, je les ai volé et les ai donné à un homme, Mouette, mais j’en ai parlé à personne. En revenant, j’ai voulu t’en parler mais avec les préparations pour le débarquement. Tu te rends compte ? Une résistante qui couche avec un allemand, je suis tombée bien bas… Tu ne dis rien ?
-J’attendais que tu ais fini. Il y a un an, je t’aurais jugé sans appel, Jen, tu le sais, mais tu es mon amie et l’amour est tellement… il arrive sans s’en rendre compte. Je ne te juge pas, quand tu as couché avec lui, tu ne voyais que l’homme, pas l’allemand.
-Ca me fait tellement de bien de t’entendre dire ça ! Mais qu’est ce que je vais faire ?
-Pour l’instant rien, tu n’es enceinte que depuis deux mois, c’est ca ? On va réfléchir à la meilleure solution, d’accord ? Je garderais ton secret et je serais là pour toi… toujours.
-Merci, Joey. Merci.
-Mouette, hein ? Pourquoi ils choisissent des noms d’oiseau, c’est ridicule. 

Jen éclata de rire et serra la main de son amie pour la remercier. Joey la consola encore un peu et l’invita pour diner. Elle alla chercher Dawson et ils dinèrent tous les trois, parlant de cette guerre qui les avait bloqué dans une vie qu’ils ne voulaient pas. 

-Je me demandais quand les américains aller rentrer en guerre,
avoua Jen à Dawson.
-Nous aussi ! fit Dawson, sans s’offusquer.
-Pearl Harbor a tout déclenché, commenta Joey.
-Oui, il fallait peser le pour et le contre.
-Votre président en a mis un temps, s’énerva Jen, voyant ce qu’Hitler faisait alors qu’on ne pouvait plus rien faire. Depuis 40, il aurait du rentrer en guerre !
-Roosevelt a fait beaucoup déjà, il a envoyé des troupes, des armements.
-C’étaient des hommes qu’il nous fallait ! La preuve puisque les alliés réussissent à repousser les allemands.
-Calme-toi Jen, notre pauvre Dawson n’y peut rien.
-Je sais, excusez-moi, je m’enflamme assez vite.
-Changeons de sujet, déclara Joey, tu as lu le livre que je t’ai passé ? Dawson l’a dévoré en quelques jours.
-J’en suis qu’à la préface, avoua Jen, faussement gênée, je n’avais pas la tête à ça ses derniers temps mais promis, je vais m’y mettre. De quoi parle-t-il ? 

Dawson lui expliqua brièvement l’œuvre et ils partirent sur une discussion sur la littérature, les livres lus et à lire. Dawson se sentait bien auprès de ces deux jeunes filles, aussi battantes et jolies l’une que l’autre. Il avait décidé de rester chez Joey jusqu’à ce que Pacey revienne pour qu’ils rentrent ensemble au pays. Il écrivait régulièrement à ses parents et à Andie pour leur donner des nouvelles. Sa vie là-bas lui manquait mais il se devait d’attendre son meilleur ami. Le projet de Dawson arrangeait bien Joey. Depuis que Jen lui avait parlé de sa grossesse, ses méninges marchaient à cent à l’heure pour trouver une solution et une idée germait petit à petit dans son esprit…  

                                                       *** 

25 août 1944
 

Pacey suivit les soldats qui composaient sa compagnie et entra dans Paris. Ils avaient réussi à libérer la capitale française, la victoire n’était plus loin, elle s’approchait. Autour des soldats américains, les habitants de Paris les acclamaient. Tout le monde s’embrassait, riait, chantait. Pacey, le sourire aux lèvres, chantonnait avec tout le monde l’hymne français. Son cœur se gonflait de joie en voyant le bonheur qu’affichait tout le monde, ils étaient sauvés. Encore beaucoup de villes devraient encore être libérées mais l’Allemagne reculait de plus en plus, ce qui apportait de l’espoir à tous les pays qui se battaient contre l’Allemagne nazie. Pacey s’approcha de Parker qui lui serra la main, le sourire aux lèvres. 

-On a réussi Witter !
S’exclama-t-il. Il nous reste juste à repousser encore et encore l’armée jusqu’à ce qu’Hitler comprenne qu’il est perdu et accepte l’armistice !
-Regarde-les ! fit Pacey en montrant les parisiens qui s’esclaffaient, ça fait du bien de les voir si heureux.
-Ils le méritent bien après ses années de souffrance et d’occupation. Mais ce n’est pas fini, gardons espoir pour la suite ! 

Pacey acquiesça et ils continuèrent à parler de la suite. Ils resteraient quelques jours à Paris avant de reprendre la route. Il suivit ses compagnons soldats dans un cabaret mais ne succomba pas, comme beaucoup, aux femmes de charme. Il ne ferait jamais ça à Andie et ne comprenait pas comment d’autres, mariés tout comme lui, pouvaient tromper leurs femmes impunément. Lui resterait fidèle à Andie jusqu’à ce que la mort les sépare… 

                                                       *** 

29 avril 1945
  

Pacey marchait à la suite de ses compagnons soldats. La veille, ils avaient reçu l’ordre de libérer le camp de Dachau, ils étaient partis tôt ce matin et ils étaient en route pour obéir aux ordres. Depuis l’année dernière, il en avait fait du chemin et ils étaient presque arrivés à la victoire, tout le monde le savait. Il n’y avait plus que l’armistice à signer et les camps à libérer.  
Ils suivaient la voie ferrée depuis un bon moment quand un train apparut. Une odeur qui déjà flottait dans l’air depuis un bon moment se renforça. Pacey était dans les premiers rangs et vit donc rapidement d’où venait cette odeur. Les corps s’entassaient dans les wagons. Tous se figèrent à la vue de ces cadavres d’une extrême maigreur, un soldat à côté de Pacey du rendre son petit déjeuner, dégoûté. Une rumeur secoua les rangs à la vue de ces corps entassaient sans aucune dignité : « Ici, nous ne ferons pas de prisonniers » ! Pacey ignora cette rumeur et ils continuèrent à avancer vers le camp. Soudain, des soldats allemands apparurent au détour d’un wagon, le commandant et quelques hommes allèrent leur parler. Pacey suivit la scène que d’un œil quand des coups furent tirés par le commandant et quelques soldats. Les allemands tombèrent, sans vie. Le commandant se retourna vers le groupe de soldats.  

-Ici, nous ne ferons pas de prisonniers, cria-t-il,
furieux et écœuré, avant de se retourner pour reprendre la route.  

Ils marchèrent encore quelques minutes et entrèrent dans le camp, des centaines de personnes les regardaient, l’air désespéré, d’une maigreur extrême. Un soldat avec qui Pacey s’entendait bien s’avança. 

-Mon dieu c’est dégueulasse,
lança-t-il avant de cracher par terre. Regarde-les, ils leur ont tout volé, jusqu’à leur dignité.  

Pacey acquiesça mais ne put dire quoique ce soit, tellement il était écoeuré par ce spectacle. Avec l’aide de médecins de la Croix-Rouge qui les accompagnait, Pacey aida à distribuer la nourriture et les premiers soins. Des coups furent à nouveau tirés et Pacey frissonna, il apprendrait plus tard que ses compagnons d’armes, écoeurés, avaient descendu les SS qui étaient restés au camp. Le médecin lui demanda de faire attention, le typhus s’était propagé dans tout le camp, c’était contagieux et mortel, mais Pacey continua à l’aider, il préférait être là au lieu de tuer des allemands, il ne se le pardonnerait jamais et pourtant, une grande fureur bouillait en lui en voyant ce qu’ils avaient osé faire à des êtres humains. Il ne comprenait pas comment l’ont pouvait faire ça à d’autres êtres humains, même s’ils n’étaient pas de la même religion que vous. Il continua à les soigner, aujourd’hui et les autres jours qui suivirent…  
Un soir, il décida d’écrire à Andie, il ne pouvait pas lui décrire le calvaire qu’il avait vu de ses propres yeux mais il pouvait au moins lui donner des nouvelles de lui. 

Chère Andie,

Me voilà à Dachau, une petite ville d’Allemagne. Nous venons de libérer un camp de concentration, après tant de villes, et je suis fier de te dire, un peu grâce à moi. J’espère que tu vas bien, là-bas, à Capeside et que tu ne t’inquiètes pas trop pour moi, j’ai la peau dure, je survivrais juste pour te revoir, te tenir dans mes bras encore une fois… t’aimer comme au premier jour. Dieu que tu me manques, qu’Holly me manque, vos visages dansent devant moi et je ne me lasse pas de regarder la photo que tu m’as envoyée de vous deux avant mon départ d’Angleterre. Je t’envoie ses lettres en espérant que tu les reçoives bien, je ne reçois plus rien de toi depuis l’Angleterre, étant en éternel mouvement. Je ne sais pas si tu as eu des nouvelles de Dawson, j’espère que oui. J’ai du le laisser chez des gens charmants, trop blessé pour m’accompagner, mais je te l’ai déjà dit, je prie tous les jours pour qu’il est survécu mais je n’en suis pas certain. Prie pour lui mon amour. J’espère que je reviendrais vite auprès de toi, quand cette guerre qui a tuée tant de nos compatriotes, tant de gens, sera finie. Je te laisse déjà, nous repartons bientôt. N’oublies jamais que je t’aime, dis à Holly que son papa pense à elle souvent, qu’il l’aime profondément. Je reviendrais aussi vite que je le peux.

Je vous envoie tout mon amour.
Pacey 

Pacey reposa son crayon et se dirigea vers la salle à manger de l’auberge où ils étaient descendus et rejoignis ses compagnons. L’horreur du camp était sur toutes les lèvres mais Pacey ne voulait pas en parler, trop d’images défilaient déjà devant ses yeux, images qui le poursuivraient toute sa vie. 

8 mai 1945
 

Jen se leva en souriant et leva son verre pour s’adresser à l’auditoire. 

-Voilà ce jour que nous espérions tant est arrivé ! Nous sommes libres, nous avons gagné ! Je voudrais remercier tous ceux qui sont autour de moi, qui m’ont aidé dans ces moments douloureux. Merci et bravo à nous.
 

Tout le monde leva son verre en même temps qu’elle et burent le champagne qui coulait à flot en ce 8 mai 1945. C’était le soir mais le soleil était encore présent, ils avaient sorti une table et avaient fêté comme il se doit cette victoire. Jen se rassit en souriant, elle posa son regard sur son enfant, Amy. Elle n’avait que quelques mois mais elle était déjà adorable. Jen était heureuse. Elle posa sa main sur celle de Dawson, son mari maintenant. C’était Joey qui avait eu l’idée après qu’elle lui ait annoncé sa grossesse, elle avait été réticente au départ mais elle avait fini par accepter jusqu’à, aujourd’hui, ressentir une grande tendresse pour celui qui avait sauvé sa dignité, sa vie peut-être même. Dawson avait accepté de suite, il était tellement généreux, pendant sa grossesse, elle avait appris à l’aimer, ce ne serait pas l’amour fou mais des sentiments étaient présents. Maintenant que la guerre était finie, Jen redoutait qu’il veuille repartir chez lui, en Amérique, devait-elle partir avec lui ? Devait-elle lui demander de rester ?  Bientôt, ils rentrèrent chez eux, elle alla coucher Amy tandis que Joey et Dawson rangeaient en bas. Elle les rejoignit bientôt et elle invita Joey à rester pour dîner mais celle-ci refusa. Elle les embrassa et rentra chez elle. Elle était heureuse pour son amie, elle était épanouie, beaucoup plus qu’au début de sa grossesse et Amy était un trésor, Joey était fière d’être sa marraine et aussi fière d’avoir eu l’idée de les mettre ensemble, ils étaient heureux. Ils avaient passé des mois douloureux, à se connaître, à continuer les missions, à attendre des nouvelles de Pacey, maintenant, tout semblait s’arranger. Joey espérait en secret que Pacey repasserait chez elle, elle se disait qu’il aimerait revoir son ami Dawson. En rentrant chez elle, elle se mit à dessiner, ce qu’elle ne faisait que rarement depuis la guerre, mais ce soir, en ce soir de fête, elle en avait envie. Elle alluma quelques bougies et dessina… de suite, elle savait d’où lui venait cette inspiration. Pacey… elle ne l’avait connu que quelques heures mais il avait bouleversé sa vie, des sentiments s’étaient développés en elle, sentiment qu’elle ne pourrait ressentir que pour lui. Une petite heure plus tard, elle avait finit, elle avait dessiné le portrait de Pacey, elle s’en souvenait très bien, dieu qu’il était beau…
En soupirant, elle rangea son dessin là où était caché tout ce qui lui tenait à cœur : photos, dessins, bijoux… Elle alla ensuite se coucher, rêvant comme chaque soir, à un beau jeune homme brun au regard de velours. Joey se réveilla en sursaut au son de cris. Elle se leva rapidement, enfila une robe de chambre et alla regarder par la fenêtre. De la fumée envahissait les rues et au loin, le feu s’élevait. Elle s’habilla rapidement et sortit dans la rue. Le cœur battant, elle courut jusqu’à la maison de Jen, c’est elle qui était en feu ! Visiblement, le feu avait pris chez les voisins et il se propageait dans les maisons. Elle regarda les habitants mais aucune trace de Jen ou de Dawson. Elle voulut s’approcher mais Mr. Brooks l’en empêcha. Les sirènes des pompiers retentissaient quand la porte s’ouvrit avec grand fracas pour laisser sortir Dawson, le bébé dans les bras. Joey s’approcha et il lui donna Amy en criant qu’il partait rechercher Jen. Affolée, Joey se recula pour éviter que la fumée n’intoxique Amy qui criait dans ses bras. Elle la calma comme elle put et la confia à une infirmière qui accompagnait les pompiers. A l’intérieur de la maison, Dawson essayait de retrouver Jen. Au milieu du salon, alors qu’ils s’enfuyaient, elle avait soudain fait demi-tour. Dawson avait alors sorti Amy dehors avant de revenir secourir Jen. Il la chercha dans toutes les pièces et la trouva dans sa chambre, un petit carton près d’elle. Il le prit avant de la prendre, elle, en la portant. Elle était inconsciente et semblait à peine respirer. Il croisa un pompier qui l’aida à la sortir alors que l’eau commençait à se répandre pour éteindre le feu. Il se retrouva dehors, emmené de force par les infirmiers. Il vit à peine Joey près d’eux, regardant Jen qui n’avait toujours pas repris connaissance. Ils furent emmenés à l’hôpital, Joey s’occupait principalement d’Amy. Elle avait avalé de la fumée mais le pire avait été évité. Pour Dawson, c’était un peu plus délicat, il devrait se faire suivre pour vérifier que tout allait bien mais ils n’avaient toujours aucune nouvelle de Jen. Ils eurent des informations seulement une heure plus tard, elle avait été brûlée aux bras et aux jambes mais elle se remettrait vite. Ses poumons avaient été endommagés par la fumée mais, avec un suivi, cela devrait s’arranger. Dawson était bouleversé, Jen avait pris tant d’importance dans sa vie qu’il ne se voyait plus vivre sans elle, elle avait frôlé la mort, il avait failli la perdre…  
Elle put rentrer deux jours plus tard, en même temps qu’une lettre de Pacey qui leur annonçait leur retour. Joey était ravie, bien qu’elle essaya de ne rien laisser paraître, mais cela n’échappa pas à Dawson qui s’inquiéta encore plus. Mais ses pensées se concentrèrent sur sa femme. Vu que la maison de Jen avait brûlé, ils allaient s’installer chez Joey. Pour peu de temps, il espérait bien retourner aux Usa avec Pacey mais il devait avant en parler à Jen, ce qu’il avait soigneusement évité jusque là. Après qu’elle se soit reposée, il allait donc la voir mais Joey était déjà là, il allait faire demi-tour quand il entendit des mots qui l’intriguèrent et il resta dans le couloir. 

-Pourquoi tu as fais ça 
? Demanda Joey, la voix enrouée de colère. Qu’y avait-il de plus important que ta vie ?
-Pourquoi tu es en colère, nous sommes tous sains et sauf, c’est le principal.
-Tu as failli mourir, Jen ! Pourquoi ?
-C’était tous mes souvenirs dans ce carton, Joey. Des photos de ma famille, des lettres… et quelque chose de lui. Ne me regarde pas comme ça, j’ai eu des sentiments fous pour lui, c’est le père de ma fille, il me fallait quelque chose de lui.
-C’est quoi ?
-Une chaîne en or… avec un médaillon dans son mouchoir, je sais que c’est fou, Joey, mais s’il te plait.
-Jen, je te soutiens mais tu as failli mourir, tu es mon amie ! Il n’y a rien de compromettants ?
-Comment ça ?
-Des femmes sont tondues, tu sais…
-Joey ! Tout le monde croit qu’il est de Dawson.
-Je sais mais des questions peuvent être posées, vu les dates. Mais ne t’inquiète pas, je n’aurais pas du te parler de ça, je te laisse. 

Joey serra la main de Jen avant de s’en aller. Elle croisa Dawson dans l’escalier, elle lui fit un sourire et alla faire à manger. Dawson s’arrêta un instant dans la chambre d’Amy, elle était adorable avec ses boucles blondes… Il la considérait déjà comme sa fille et il espérait que cette situation continuerait. Il rejoignit Jen et s’assit sur une chaise près d’elle. Elle lui sourit tendrement, prenant sa main dans la sienne mais Dawson était trop bouleversé par ce qu’il avait entendu. 

-Ca ne va pas Dawson ?
demanda Jen, inquiète.
-Si, j’ai eu peur de te perdre.
-Je suis désolée, il y avait des choses importantes et j’y ai pensé, c’est ce que je voulais sauver, excuse-moi Dawson.
-Je t’aime, Jen, dit-il doucement, tu le sais ?
-Oui, murmura Jen, gênée.
-Je n’attends pas que tu me rendes cet amour mais il faut que je sache ce que tu veux de moi maintenant. Je veux retourner aux Usa, tu m’accompagnerais ?
-Je… je sais pas, Dawson, c’est un si grand changement. J’ai ma vie ici.
-Tu n’as plus rien ! Joey peut venir avec nous mais à part elle, tu n’as plus rien. Tu pourras en plus oublier.
-Oublier quoi ?
-Le père d’Amy. Je ne t’ai jamais demandé qui il était et je ne sais même pas si je veux le savoir mais je ne te demande rien, Jen, sauf de me dire ce que tu veux. Je veux être ton mari et le père de ta fille. Elle porte mon nom, je l’aime déjà.
-Oh Dawson, elle t’aime et je t’aime aussi, je… je suis pas sur que tu accepterais de savoir qui est le père d’Amy.
-Je suis là si tu veux en parler.
-Je sais, tu es formidable Dawson, laisse-moi réfléchir et en parler à Joey, attendons ton ami Pacey et nous verrons ce que nous ferrons, d’accord ? 

Dawson hocha la tête et la laissa se reposer, rejoignant Joey. Il aurait tellement aimé lui parler de ce qu’il avait entendu, mais il n’était surement pas assez courageux pour entendre ce qu’elle avait à lui dire.  Mais il revint à la charge quelques jours plus tard, quand elle alla mieux. Alors que Joey gardait Amy avec plaisir, il emmena Jen se promener en bordure de mer. Main dans la main, ils restèrent silencieux quelques instants. Jen aimait cette sérénité qu’il y avait entre eux, cet amour. Ce n’était pas l’amour fou qu’elle avait connu avec Hans à Paris, mais c’était un amour tendre, un amour sincère. Il avait tant fait pour elle… Elle était heureuse d’avoir pris cette décision, de s’être mariée à Dawson, elle serait heureuse, elle l’était déjà… Dawson s’arrêta soudain et la prit par la taille pour la regarder dans les yeux. 

-Tu voudrais me parler du père d’Amy ?
-Pourquoi tu veux le savoir ? demanda Jen, gênée.
-J’en ai besoin, j’ai besoin de savoir si tu vas partir avec moi aux Usa, si tu veux bien que je sois le père de ta fille à 100%. Si je suis ton mari, l’homme que tu aimes ou juste celui qui a permis de ne pas…
-Je sais que tu as le droit à des réponses, mais es-tu près à les entendre ?
-Oui, promis.
-Bon, tu risques de ne plus m’aimer après mais je prends le risque. Tu sais que je faisais partie d’un réseau de résistance et j’ai fais plusieurs missions… Pour une, j’ai du aller à Paris, je ne peux pas te dire de quoi il s’agit mais j’y ai rencontré un homme, le coup de foudre, je me suis laissée porter par mes émotions, ce que je fais que rarement ! Une seule nuit de passion avec lui et Amy est née…
-Pourquoi je ne t’aimerais plus ? Ce n’est pas un crime d’avoir le coup de foudre.
-C’était un allemand, avoua Jen, les larmes aux yeux, croisant le regard de Dawson.
-Oh…
-Je sais que j’ai fais une erreur, que je n’aurais jamais du te mentir mais pardonne-moi. J’aurais du te le dire dès le début mais j’avais tellement peur ! Peur qu’on sache ce que j’avais fait, d’un côté je regrette mais de l’autre, non, car je l’ai aimé, j’ai eu Amy et je t’ai eu toi ! Ne m’en veux pas. 

Bouleversée, Jen l’enlaça, refusant que ses larmes ne coulent. Elle n’était pas faible mais elle avait peur de le perdre… de perdre celui qu’elle aimait maintenant. Dawson s’était figé, il ne savait que penser. Un allemand ? Celui contre lequel elle s’était battue corps et âmes pendant des années. Comment avait-elle pu ? Il le lui demanda et elle lui expliqua, elle n’avait pas vu le soldat nazi en lui mais l’homme, juste l’homme de chair et de sang qui l’avait aimé avec passion. Elle savait qu’elle avait fait quelque chose de mal mais elle ne voulait pas trop le regretter, cela lui ferait regretter sa fille et elle ne le voulait pas. Il la comprit, enfin il essaya.  Ils restèrent encore un moment, à parler, main dans la main, à parler de la guerre mais surtout d’Amy, de ses progrès, de ses sourires, de ses premiers pas, de leur vie. A tous les trois.  

21mai 1945
 

Le cœur battant, Pacey se tenait sur la plage où il avait débarqué presque un an plus tôt. La ville de Joey était à quelques kilomètres, il était pressé de la revoir et d’avoir des nouvelles de Dawson. Jetant un dernier regard à la mer, il se dirigea vers Ouistreham. Un an, il s’était passé tellement de choses, et voilà que la guerre était finie, dans une semaine, il rentrerait chez lui aux USA. Il allait revoir sa femme et sa fille, il allait revoir sa famille, ses amis, son chez lui. Cette année avait été dur et l’avait changé à jamais. Il avait vu trop d’horreurs pour ne pas avoir muri au fond de lui.  Il entra dans la ville, rien n’avait changé. Il se revoyait, portant Dawson sur son épaule, cherchant un refuge, trouvant Joey. Il se retrouva devant sa maison et il frappa. Des bruits se firent à l’intérieur et on vint enfin lui ouvrir. Tous les deux restèrent figés une seconde, l’un s’y attendant, l’autre pas du tout.  

-Dawson !
Cria Pacey, heureux, avant de tomber dans les bras de son meilleur ami qui éclata de rire sous l’étreinte.
-C’est bon de te revoir, Pacey, fit Dawson, le sourire aux lèvres. Rentre, rentre.
-Je ne m’attendais pas à te voir ici, vivant mais que je suis heureux de te voir si bien ! Bafouilla-t-il.
-Et moi donc ! Pacey suivit Dawson à l’intérieur. Il vit de suite la fillette qui galopait dans la maison, elle courut vers Dawson et il la fit tourner dans ses bras. 
-Je te présente Amy, ma fille
-Ta fille ?!
-Je t’expliquerais. 

Pacey déglutit difficilement en acquiesçant. A la main de son ami, il avait vu une alliance briller et il comprit. Joey et Dawson se seraient donc mariés ! Son cœur se serra à cette idée mais c’était mieux comme ça, il n’aurait pas du ressentir cette joie coupable de vouloir la revoir, de revoir briller ses yeux quand il la verrait. Un bruit se fit entendre et elle apparut au bas de l’escalier. Elle était toujours aussi jolie, ses cheveux bruns étaient plus longs, son regard toujours aussi sauvage. Quand elle le vit, elle se figea et ses yeux brillèrent, comme avant, comme la dernière fois.  

-Pacey !
S’exclama-t-elle en s’approchant doucement.
-Bonjour Joey, fit Pacey, gêné.  Comment allez-vous ?
-Bien ! Dawson a guéri, c’était miraculeux.
-Oui, je suis un miraculé, grâce à tes soins et ceux de Mr. Brooks ! Je te présenterais, Pacey. Assis-toi, raconte-nous tout.
-Attendons Jen, elle voudra savoir, vous voulez quelque chose à boire ?
-Avec plaisir, merci. 

Il ne dit rien, il ne savait pas s’il devait parler ou attendre cette Jen qu’il n’avait qu’entraperçut. Son regard suivait les gestes de Joey et il croisa le regard suspicieux de Dawson. Il sourit et demanda des nouvelles à son ami. 

-J’ai souvent des nouvelles de Capeside,
déclara Dawson, les sourcils froncés, tout le monde va bien. Andie reçoit bien tes lettres mais tu n’avais pas l’air de recevoir les siennes.
-Je suis pressé de tous les revoir, dans une semaine, j’ai mon ticket pour partir.
-Une semaine ? Bien. Tu as déjà ton billet.
-Oui, Parker me les a confiés avant qu’il reparte en Angleterre. Et toi, tu repars… 

Pacey fut coupé, et heureusement, par la porte qui s’ouvrait sur une jeune femme blonde. Elle sourit en les voyant et s’approcha d’eux. Elle prit la petite fille dans ses bras pour lui donner un baiser avant de faire de même avec Dawson. Pacey fut un peu surpris et son regard dévia sur Joey qui les regardait en souriant, ce qui n’échappa pas à Dawson. Il savait déjà que Joey nourrissait des sentiments pour Pacey, il en avait été sur quand ils avaient reçu une nouvelle lettre de Pacey, leur donnant des dates d’arrivée. Elle avait voulu le cacher mais il avait quand même perçut une légère émotion. Et maintenant, il se rendait compte des émotions contenues dans le regard de son ami…  Dawson présenta Jen à Pacey, la présentant comme sa femme.  

-Ta femme ? J’ai loupé des épisodes là
, rigola Pacey, si tu me racontais.
-Elle était enceinte et j’étais là, en gros, c’est ça et puis on est tombé amoureux et… nous nous sommes mariés en août l’année dernière et Amy est née en février.
-Elle est adorable.
-Merci, fit Jen en souriant. C’est mon joyau et Dawson est adorable.
-Vous allez vous installer ici ou partir aux USA ?
-On ne sait pas trop encore, confia Dawson, la maison de Jen a brulé il y a quelques semaines, c’est pour cela qu’on habite ici pour le moment, on en a pas encore discuté. Toi, raconte-nous, Pacey !
-Ah, c’était pas facile, le vent, l’hiver, horrible ! Le froid et puis les villes, les batailles, je ne sais même pas quoi vous dire, et puis il y a eu les camps de concentrations…
-On en entend pas trop parler encore, avoua Jen, attentive.
-C’est inimaginable, horrible de voir des centaines de personnes enfermées, maltraitées pour une question de race ! 

Ils continuèrent à en parler quelques moments et Dawson invita Pacey à s’installer correctement. Joey lui prépara une chambre rapidement mais ils ne furent jamais seuls, Joey se disait que c’était mieux comme cela, elle avait trop envie de lui sauter au cou, tellement heureuse de le revoir sain et sauf. Ils passèrent une soirée tranquille à bavarder tous les quatre. Dawson ne put s’isoler avec son ami que le lendemain, il lui proposa une balade sur la plage. 

-Dire qu’il y a un an, j’aurais pu mourir là, si tu ne m’avais pas sauvé… Je te remercie, sans toi, je serais mort, je n’aurais jamais rencontré Jen.
-Tu as l’air heureux, avec elle.
-Je le suis, elle est merveilleuse. J’espère repartir bientôt, ma famille et notre ville me manquent.
-A moi aussi.
-Pourquoi tu es venu là Pacey ? Demanda Dawson.
-Euh…
-Tu ne savais pas si j’étais encore là, si ?
-Non, je ne le savais pas mais j’avais promis à Joey de revenir, pour la remercier, pour prendre des nouvelles de toi aussi, nous étions presque sur que tu allais mourir, Dawson, j’étais obligé de repasser là si tu … si tu étais mort.
-Alors, ça aurait été pour moi ? Pas pour Joey ?
-Qu’est ce que tu veux dire ? Bafouilla Pacey en essayant de sourire.
-Tu le sais très bien, Joey ! Tu lui as écris des lettres qu’elle ne nous faisait pas lire, et ce regard…
-Quel regard ? De quoi tu parles ? S’énerva Pacey.
-Le regard que tu lui as lancé quand elle est rentrée dans la pièce, ton regard quand tu as cru que c’était avec elle que j’étais marié, ton regard quand tu la suis du regard. Qu’est-ce que tu nous fais Pacey ?
-Ecoute, elle nous a sauvé la vie, alors j’ai de la reconnaissance envers elle, je suis marié à Andie, j’aime Andie ! C’est ma femme et jamais je ne la tromperais.
-Je le sais, enfin je crois, mais ne me mens pas en disant que tu ne ressens rien pour Joey, ça se voit, ça se sent. 

 
Pacey ne répondit pas et se retourna pour observer la mer qui jouait avec le sable. Il était trop bouleversé pour parler mais il le devait, il le devait bien à Dawson. 

-Je me sens coupable, Dawson, avoua Pacey, je ne mentirais pas, je ressens quelque chose de particulier pour elle, un peu ce que je ressens pour Andie, mais inconnus en même temps. Je ne ferais pas de mal à Andie, jamais je ne la tromperais, j’étoufferais mes sentiments. Ne t’inquiète pas.
-Je vais essayer. 

Sur cette conversation, ils rentrèrent chez Joey pour passer une après-midi tranquille.  Les jours passèrent tranquillement, Dawson et Pacey passaient la plupart du temps à la plage, à discuter, à rattraper le temps perdu, cette année passée loin l’un de l’autre. Joey avait repris son travail, elle était herboriste pour le village et cela marchait très bien depuis la fin de la guerre. Jen avait décidé d’accompagner Dawson aux Usa, elle avait envie de changer d’air, de vie. Elle devait maintenant proposer à Joey de les accompagner, elle ne se voyait pas vivre sans celle qui était devenue, en quelques années de guerre, sa meilleure amie. De plus, elle sentait que quelque chose n’allait pas… Mais elle ne put lui parler le soir, Joey fit tout pour l’éviter. Joey était mal à l’aise depuis que Pacey était là, elle soupçonnait Dawson de connaitre ses sentiments à l’égard de son ami, sentiments qu’elle essayait pourtant de garder pour elle. Sentiments qui la culpabilisaient.  En pleine nuit, alors qu’elle n’arrivait pas à dormir, ses pensées tournées vers celui qui dormait dans la chambre d’à côté, elle finit par se lever pour aller se faire une tisane. Elle se la prépara en silence, évitant de faire du bruit pour ne réveiller personne. Elle s’assit sur la chaise et ses pensées revinrent la troubler. Elle sursauta en entendant du bruit et se retourna pour voir la provenance du bruit. Pacey… il était là, il s’était figé en la voyant mais il finit par s’approcher d’elle. 

-Une tisane ? Proposa-t-elle. 

Il acquiesça et elle le lui prépara. Ils ne parlaient pas mais il y avait une certaine tension dans l’air. Leurs regards ne pouvaient pas se croiser tant l’attirance était grande, encore plus grande vu qu’elle était refoulée. Ils burent leur tisane en silence, leur regard centré sur un coin sombre de la pièce. Chacun était descendu pour essayer d’oublier des pensées, des sentiments inavouables et ils se retrouvaient l’un en face de l’autre, face à ses émotions qui les bouleversaient tous les deux. Ils se levèrent un même temps, esquissèrent des sourires gênés mais ils se comprenaient, ils savaient ce que l’autre ressentait, c’était le reflet de leur propre sentiment. A l’embrasure de la porte, Joey s’arrêta pour regarder Pacey, pour croiser ce regard de velours qui avait créé ce sentiment d’appartenance qui était né entre eux. Pacey s’approcha doucement, effleura de ses mains les bras nus de Joey. Celle-ci frissonna à cette caresse, les yeux baissés. Elle se rapprocha de lui, un peu plus, toujours plus, jusqu’à ce que son corps effleure le sien. Leurs cœurs s’accélèrent, à l’unisson, leurs souffles se firent haletants ; à chaque respiration, leur corps s’effleurait un peu plus. La bouche de Pacey effleura ses cheveux, son visage avant de descendre vers ses lèvres. Les yeux fermés, les lèvres entrouvertes, ils étaient prêts à s’adonner à leur passion. Un sourire se dessina sur chacun de leur visage, leurs lèvres s’effleurèrent… Avant que leurs lèvres se ferment pour conclure leur baiser, Pacey se recula, posa son front sur celui de sa compagne, ouvrit les yeux pour voir un regard étonné. 

-Je suis désolé, je ne peux pas,
souffla-t-il.
-Je sais, approuva-t-elle, le cœur brisé. 

Elle le repoussa tendrement et, avant que les larmes ne coulent, avant qu’il ne voie qu’il lui avait brisé le cœur, elle monta l’escalier, doucement. Elle ferma sa porte, s’adossa à celle-ci avant de se laisser glisser par terre, laissant couler les larmes, des larmes de déception, de culpabilité, de souffrance. Elle l’avait perdu, elle ne l’avait même jamais eu. Elle avait le cœur brisé, plus jamais elle ne pourrait aimer comme elle l’avait aimé, lui. Elle comprenait Jen et sa folle nuit de passion avec ce Hans, mais elle ne comprenait pas encore son nouvel amour pour Dawson. Elle réussit à rejoindre son lit, retenant les sanglots dans sa gorge.  En bas, Pacey était resté dans le salon de la jolie maison de Joey. Coupable, il repassait sans cesse les images de ce moment d’égarement. Heureusement, il avait pu se retenir à temps. Il n’avait pas commis l’irréparable en trompant Andie, sa femme qu’il aimait plus que tout. Et pourtant, il aurait voulu le faire, voulu faire l’amour à cette femme qui le rendait fou, à qui il avait pensé tous ses mois, délaissant la pensée de sa femme. Il remonta dans sa chambre, le cœur lourd, encore plus quand il entendit les doux pleurs de Joey. Il se coucha, sans pouvoir dormir jusqu’au petit matin, le cœur brisé.  

Ils partirent le surlendemain, Joey avait refusé d’accompagner Jen aux Usa, sa vie était ici, loin de Pacey. Dans un élan de confidence, Joey lui avait tout avoué, son amour secret pour Pacey, le moment d’intimité qu’ils avaient partagé la veille, son cœur brisé. Jen avait bien compris, elle espérait seulement que Joey pourrait dépasser ça et, un jour, elle pourrait peut-être les rejoindre. Peut-être. Sur le pas de la porte, elle enlaça une dernière fois Jen et Dawson, salua Pacey et fit plein de câlins à sa petite Amy.

Ils partirent vers la voiture, Joey retint ses larmes jusqu’à ce que Pacey revienne vers elle, il l’embrassa sur la tempe en lui chuchotant un « merci, merci pour tout ». Elle serra sa main, essaya de sourire à travers ses larmes et il partit, elle relaissa sa main tomber le long de son corps et regarda la voiture partir, pleurant doucement sur l’amour de sa vie, un amour qui avait vécu dans une guerre d’horreur, un amour jamais consommé, un amour pur. 


 Epilogue – 6 juin 2004 

Elle était là, sur cette plage où tout avait commencé, où les américains avaient débarqués il y a soixante ans. Elle en avait maintenant quatre-vingt, il lui semblait loin l’époque où elle était résistante, où elle avait sauvé deux soldats américains qui avaient changé sa vie. Elle sourie en repensant à leur première rencontre… à tout ce qui s’était ensuivie. Malgré son cœur brisé, elle avait continué sa vie. Elle avait rencontré Paul, son Dawson à elle, l’homme de sa vie, qui l’avait couvert d’amour, qui l’avait rendu heureuse, qui lui avait donné trois beaux enfants qui eux-mêmes lui avaient donné des petits enfants dont Maddie, sa petite fille qui l’accompagnait aujourd’hui pour la commémoration du débarquement de Normandie. Ils en faisaient des commémorations pour cette guerre, pour ces crimes, pour tout. Il le fallait, il fallait se souvenir de ces horreurs pour éviter de les recommencer. Maddie s’approcha d’elle et elles continuèrent leur marche au milieu des centaines de personne qui venaient se recueillir comme elle.  
Elle avait eu beaucoup de nouvelles de l’Amérique. Elle et Jen étaient toujours restées en contact. Elle avait su que Jen avait donné un petit garçon à Dawson, ils avaient été heureux toute leur vie, ils étaient malheureusement décédés il y a quelques années. Elle ne les avait jamais revus. Au début, elle n’avait pas pris le risque de traverser l’Atlantique pour retrouver celui qu’elle croyait être l’homme de sa vie. Pacey était resté longtemps au centre de ses pensées et puis elle avait rencontré Paul, un français dont elle était tombée amoureuse et après, il n’avait pas été question de le quitter pour rejoindre ses amis, elle en était heureuse, elle avait gardé de bons souvenirs de son amitié avec Jen et Dawson et de son amour fou pour lui, auquel elle avait laissé toujours une place dans son cœur, son premier amour. Grâce à Jen, elle avait suivi la vie de Pacey outre atlantique, rien n’avait pu altérer l’amour qui existait entre les Witter, ils avaient eu d’autres enfants, Joey avait été heureuse pour lui, comme il savait qu’il aurait été heureux pour elle, s’il avait su et peut-être Jen le lui avait dit.
L’amour avait duré, elle le savait, même s’il n’avait pas été consommé, chacun d’eux avait souvent pensé à l’autre, ce secret qu’ils partageaient, secret tendre et amoureux, à ses courts moments partagés, courts mais remplis d’émotions, remplis d’amour. 
Le vent souffla et sous une pluie de juin, elles rentrèrent chez la vieille dame pour boire une bonne tisane. Joey avait perdu son mari depuis quelques années déjà, et sans Maddie, sa dernière petite fille de 25 ans, elle aurait été seule mais Maddie adorait sa grand-mère et adorait l’entendre parler de la guerre, ce qu’elle ne se lassait jamais de faire quand on le lui demandait. A Maddie, elle pouvait tout lui dire, tous ses moments qui l’avaient forgé, tous ses moments de guerre, leur guerre…      
                     


Classement: 1ère place
Auteur: Stephe
Note: 17,6
Commentaires du jury: 
>> sorsha : Cette histoire est très prenante. Le contexte historique est bien maîtrisé, le texte est fluide rempli de détails distillant les émotions et décrivant les caractères des personnages. L’histoire d’amour entre Joey et Pacey bien que non avouée et non consommée est magnifique et très poignante. L’histoire entre Jen et Dawson aurait gagné à être plus développée et expliquée. On sent l’aisance et la maîtrise de l’auteur à écrire de très belles histoires.

>> carolin : C'est une belle histoire, très bien écrite. Les consignes ont été respectées et bien traitées. J'ai beaucoup aimé l'attirance de Pacey et Joey que tu as si bien décrite. La fin est très réaliste et la scène de la cuisine très belle. L'épilogue m'a beaucoup plu également.

>> joey1993 : c'est une belle histoire malgré quelques incohérences (Amy fait ses premiers pas alors qu'elle n'a que quelques mois.)
Ecrit par Joey1993 
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choup37, 18.04.2024 à 08:49

5 participants prennent part actuellement à la chasse aux gobelins sur doctor who, y aura-t-il un sixième?

chrismaz66, 18.04.2024 à 11:04

Choup tu as 3 joueurs de plus que moi!! Kaamelott est en animation, 3 jeux, venez tenter le coup, c'est gratis! Bonne journée ^^

choup37, 19.04.2024 à 19:45

Maintenant j'en ai plus que deux, je joue aussi sur kaa

CastleBeck, Aujourd'hui à 11:48

Il y a quelques thèmes et bannières toujours en attente de clics dans les préférences . Merci pour les quartiers concernés.

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