[Hell’s Kitchen. Joey travaille au bar et jette son plateau d’un air exaspéré sur le comptoir. Eddie est accoudé près d’un groupe de filles en train de rire. Il relève la tête et fait glisser deux bières sur le comptoir pour Emma.]
Joey – Aide-moi.
Emma – Ouais, eh ben il te servirait plus vite si tu me laissais intervenir sur ton t-shirt. Faudrait peut-être revoir le décolleté. C’est miraculeux pour les pourliches.
Joey – Pour les quoi ?
Emma – Pourboires. Les gratifications. Qu’est-ce que t’avais compris ?
Joey – Oh mais rien (en riant)
[Emma s’éloigne avec les bières et Eddie vient enfin pour servir Joey.]
Eddie – Oui ?
Joey – Ah ben quand même. Tu pourrais peut-être me faire attendre plus longtemps encore la prochaine fois.
Eddie – Désolé, je... je dois te trouver très intimidante depuis que tu as essayé de mettre ta langue dans ma bouche.
Joey – Une liqueur aux herbes, deux bières pression. Je croyais qu’on décidé de ne plus revenir là-dessus.
Eddie – Je ne me souviens pas avoir eu cette conversation. (Il s’éloigne pour lui préparer sa commande)
Joey – Exact ! C’était implicite. Les conventions sociales veulent que chaque fois qu’il se passe quelque chose de terriblement gênant, les gens décident de manière tacite de ne plus en parler. C’est ce qui fait avancer une société. Ça et l’alcool.
Eddie – J’en suis pas aussi sûr.
Joey – Sûr de quoi ?
Eddie – Je suis pas d’accord.
Joey – Pour tout dire, je ne tiens pas à me lancer dans un débat philosophique sur la question. Je veux juste, si c’est possible, que tu me traites d’une façon…
[Emma revient près de Joey et l’interrompt.]
Emma – Oh doux jésus. Vous êtes encore en train de vous battre ?
Eddie – Pas du tout. Il paraît que nous sommes en plein débat philosophique.
Emma – Oh génial. Et rassurant parce que je m’en vais. (Elle met sa veste) Et oui, répétitions. J’espère qu’il reste quand même quelques musiciennes à virer avant notre premier grand concert que nous aurons l’immense plaisir de vous donner demain soir. (Elle ferme les yeux l’air épuisée)
Eddie – Et si tu as besoin de moi pour coller des affiches, je suis là.
Emma – Oh toi ! Mais tu sais que tu es un amour. (Elle se penche au dessus du comptoir pour lui pincer la joue ce qui le fait rire et jette un coup d’œil à Joey) Bon il commence à y avoir du monde donc si vous pouviez vous embrasser et faire la paix, je pense que les clients apprécieraient beaucoup. (Elle part en souriant)
Joey – Tu lui as dit.
Eddie – Coïncidence. (Joey hoche la tête l’air dubitatif) Quoi ? Pourquoi je lui aurais dit ?
Joey – Pour me mettre dans l’embarras. (Elle part avec son plateau)
Eddie – Non, tu y arrives très bien toute seule. Tu n’as pas besoin de moi pour ça, Joey. (Joey le fusille du regard alors qu’il lui fait un grand sourire.)
[Générique]
[Bar d’un hôtel, le soir. Dawson entre et aperçoit Todd et Natasha en train de boire au comptoir. Il les voit discuter et va s’assoir à côté de Todd.]
Todd – Tu en connais beaucoup qui refuserait ? J’ai dû le faire au moins cinq mille fois.
Dawson – Bonsoir.
Natasha – Bonsoir. (Ils se sourient) Euh, vous savez quoi, il se fait tard. Je vais aller me coucher. Dure journée demain. (Elle se lève et part)
Todd – (qui est complètement saoul) T’inquiète pas. Tu vas assurer, chérie ! (à Dawson) Si t’étais pas aussi empoté, avec les femmes, tu m’aurais déjà lâché pour aller la rejoindre. Bonne continuation. (Il attrape une bouteille et veut se lever mais Dawson l’en empêche)
Dawson – Non, tu ne te débarrasseras pas de moi aussi vite.
Todd – C’est curieux, je m’en doutais. T’es pas là pour prendre part à cette débauche généralisée, t’es là pour me barber avec moultes petits détails ayant trait au boulot.
Dawson – L’équipe aimerait savoir quel est le plan B pour vendredi.
Todd - Dis-leur qu’y a pas de plan B.
Dawson – Rappelle Heather Tracy au moins. Elle a essayé de te joindre six fois pendant ces deux jours.
Todd – Leery, ta grande incapacité à te détendre me met mal.
Dawson – Trois jours de retard, ce n’est pas rien. On a des pénalités tous les jours cette semaine. Pour demain, toujours pas de plan de tournage. 70% de risque de pluie vendredi et pas de trace de plan B. Comment rester zen ?
Todd – Eh ben…
[Une femme s’approche derrière Todd]
… - Trois jours ? Je croyais que c’était quatre.
[Todd a l’air surpris et se retourne vers la femme les yeux écarquillés]
Todd – Heather ?!
Heather – Todd. Pourquoi t’as l’air surpris ? C’est ce qui arrive à tous ceux qui évitent de me rappeler.
Todd – Non, je suis ravi. Je suis ravi de te voir. Tu te souviens de Dawson ? (Dawson lui fait signe)
Heather – Ouais, pour les civilités, on verra plus tard. Mais pour l’instant, il me faut une chambre plus confortable. La réceptionniste m’a dit que c’était impossible mais il va m’arranger ça tout de suite, Monsieur le Magicien. (Elle lance la clé de sa chambre à Dawson)
Todd – (discrètement à Dawson) Aide-moi.
[Dawson lui sourit et lui tape sur l’épaule, il part ensuite en riant]
[Appartement de Pacey/Jack/Emma, salon. Audrey lit un livre en écoutant de la musique avec des écouteurs tandis que Pacey la regarde en souriant, ses cours sur les genoux.]
Audrey – Qu’est-ce qu’il y a ? (en parlant très fort)
Pacey – Euh, rien du tout. (Audrey pose son livre et retire ses écouteurs) C’est intéressant ?
Audrey – De quoi tu parles ?
Pacey – De ton bouquin.
Audrey – Euh, il est sur les listes des ouvrages à lire. Comment tu veux que ce soit intéressant ?! (Elle se lève et va dans la cuisine)
Pacey – Ben il se trouve que c’est le premier bouquin que je t’ai vu lire de tout le semestre. (Il se lève pour la rejoindre)
Audrey – (en ouvrant le frigo) Ne me dis pas qu’elle avale cette espèce de mixture verdâtre.
Pacey – (en levant les bras) Hey, Audrey.
Audrey – Mais quoi ?
Pacey – J’essaie d’établir un dialogue.
Audrey – D’accord, c’est bon, je t’écoute.
Pacey – Super ! Alors, peut-être que tu peux me dire ce qui t’a tracassée toute la semaine.
Audrey – Rien du tout. Rien ne m’a tracassé, moi.
Pacey – Ah bon ? J’ai trouvé que tu avais une attitude bizarre.
Audrey – Question : ça veut dire quoi bizarre ?
Pacey – Bah, très bizarre. Euh, ça veut dire studieuse, ça veut dire tranquille…
Audrey – Ah, alors je me conduis comme Joey, pour une fois, et aussitôt je suis bizarre.
Pacey – [soupir] J’en viens au fait. Je veux seulement savoir si, éventuellement, toi et notre Jen, vous n’aviez pas eu de problèmes à cette soirée.
Audrey – Non. Et tu veux que je te dise, je sortais pas mal avant et quel que soit les endroits où j’allais, jamais je n’ai eu de problèmes.
Pacey – Parce que Jack m’a dit qu’au cours de la soirée, il vous avait perdues et qu’il s’était inquiété parce que peut-être…
Audrey – Oui, c’est vrai, Pacey. Il y avait foule et Jen a rencontré une vieille connaissance.
Pacey – Ah, c’est vrai ? Un garçon ?
Audrey – Oui, un gentil garçon. Un chevalier, un vrai, avec une armure.
Pacey – Mais je te crois. Un chevalier comme moi ? (Il s’approche d’elle et la prend dans ses bras)
Audrey – Oui, chéri. Comme toi.
Pacey – Dis donc, c’est marrant, hein. On est tous seuls dans l’appart, ce soir. (Pacey l’embrasse mais elle se retire)
Audrey – Euh, ouais, euh, désolée je...
Pacey – Oh. Mmhmm…
Audrey – Non, je suis vraiment trop fatiguée.
Pacey – Oui, bien sûr.
Audrey – Non mais on pourrait…
Pacey – Non, non, non, non, non, ya pas de souci. Il n’y a pas de souci, je vais bosser. (Il retourne s’assoir dans le salon) C’est pas grave.
[Appartement de Pacey/Jack/Emma, le lendemain matin. Pacey est assis dans le salon et Emma va se servir du café.]
Emma – Pacey. (Elle se retourne vers lui et remarque qu’il s’est endormi sur son cours) Pacey !
Pacey – (qui se réveille en sursaut) Oui, quoi ? J’ai rien fait.
Emma – Tu es resté debout toute la nuit, c’est ça ? Avoue-le.
Pacey – J’avoue.
Emma – Et tu as fini tout le café !
Pacey – Non. (Emma hoche la tête que oui) D’accord, oui. Mais il y en a d’autre, dans le placard. (Il se lève pour aller dans la cuisine) Et tu sais, c’est vraiment curieux ce truc, tout le monde dit que c’est hyper dur de rester debout toute une nuit mais c’est faux. Ça craint juste un peu entre 4 et 5 mais tu peux pas imaginer tout ce que le cerveau peut engranger. Stock options, volatilité des marchés, transactions hors côtes, c’est complètement intégré mais…
Emma – Pacey !
Pacey – Oui ?
Emma – Café !
Pacey – Le voilà.
[Il dépose le café sur la table et on entend un bruit de douche]
Emma – Ce ne serait pas la blonde écervelée, là, qui serait sous la douche ?
Pacey – Euh, non, c’est Jack.
[On entend Audrey se mettre à chanter depuis la salle de bains et Pacey rit comme si ce n’était rien]
Emma – Et elle va rester combien de temps sous la douche ?
Pacey – Oh ben, tout dépend du nombre de litres que le ballon d’eau chaude contient.
Emma – On en a déjà parlé, non ?
Pacey – Oui, madame.
Emma – Elle est tout le temps là.
Pacey – Oui, c’est vrai. Mais ce qui serait génial, c’est que vous en discutiez toutes les deux. (Il va récupérer sa mallette et file vers la porte) Moi, je veux au travail et tu me raconteras tout à mon retour. D’accord, d’accord ? Au revoir, bonne journée. Au revoir. (Il sort)
[Emma entre dans la salle de bains tandis qu’Audrey est toujours sous la douche en train de chanter]
Emma – Audrey ? (Elle reste près de la porte l’air pensif)
[Boston Bay College, cours du Professeur Freeman. Jack va s’assoir près de Jen]
Jen – Salut. Alors, qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Jack – Quand ça ?
Jen - A la soirée, après avoir perdu notre trace.
Jack – Au fait, vous étiez où toutes les deux ?
Jen – Nulle part.
Jack – Ouais, je te crois.
Jen - On ne change de sujet aussi facilement avec moi. Je veux des détails.
Jack – Jen, écoute, il s’est rien passé. Franchement, qu’est-ce qui pourrait se passer ? Il est hétéro. Et même s’il se réveillait gay un beau matin par je ne sais quel hasard, jamais il y aurait quoi que ce soit entre nous, sois pas débile.
Jen – Jamais ?
Jack – Non, bien sûr que non.
[Le Professeur Freeman arrive dans la classe]
Freeman – Bonjour, tout le monde. Je suis en retard, pardon. Mais je vois que les pièces à conviction A, B, C et D sont arrivées. Par là, j’entends bien sûr mes quatre assistants qui vont commencer, quelle pénible tâche, à vous rendre vos copies. Sauf, bien sûr, si vous préférez rester 50 minutes à les fixer pendant que, de mon côté, je vous parlerai d’une voix monotone de la représentation du père célibataire avant et après le Vietnam à la télévision. (Les étudiants rient) Non ? Non, nous allons vous rendre vos copies. Vous le savez sans doute déjà mais ces copies représentent 20% de votre note. La majorité d’entre elles a été corrigée par les professeurs assistants mais j’ai passé toutes les notes en revue minutieusement. Et je suis prêt à écouter toutes les histoires larmoyantes qui pourraient en découler.
[Jen retourne sa copie et découvre sa note B+]
Jen – Ouais ! (très satisfaite, Jack approuve en hochant de la tête) Vas-y, retourne-là.
Freeman – (qui continue de parler) Je vous signale tout de même que ce ne sera pas la première fois que j’entendrai dire qu’un B+ risque de gâcher vos chances d’admission dans une fac de droit digne de ce nom. (Les étudiants se mettent de nouveau à rire)
[Jack retourne sa copie et découvre qu’il reçu un C- et semble très étonné]
[Worthington University, extérieur. Joey marche et voit Eddie coller des affiches. Elle se retourne et va vers lui.]
Eddie – Ne t’arrête pas surtout.
Joey – Donne, je vais le faire.
Eddie – Non, ça ira.
Joey – Je voulais seulement être gentille.
Eddie – Pas la peine. C’est drôle, je t’aimais mieux quand tu étais odieuse.
Joey – Je suis pas odieuse. (Eddie l’ignore et continue à mettre ses affiches) Ecoute, si tu veux mon avis, toi et moi, on s’est montrés légèrement immatures depuis cet incident.
Eddie – C’est moi qui ai été immature.
Joey – Moi aussi, je l’ai été.
Eddie – Ne fais surtout pas ça. Imagine que tu te dégonfle comme ça en cours. Hetson te mangera toute crue. (Il s’en va en riant et Joey le suit)
Joey – Je vois. Et aujourd’hui, tu vas nous honorer de ta présence et d’un brillant exposé ?
Eddie – Si jamais tu me trouves nul, t’as qu’à me le dire.
Joey – Parce que tu crois qu’après on s’entendra mieux ?
Eddie – Non, écoute. Non, ne faisons pas comme si tout était cool alors que ce n’est pas le cas.
Joey – Ce n’est pas le cas ?
Eddie – Non. Le… l’incident, c’est le terme clinique que tu as employé. En réalité, le baiser que tu m’as donné sur la bouche, mû par je ne sais quelle intention tordue qu’il va falloir clarifier, c’était agréable, oui. Mais cool, non pas trop.
Joey – Quoi ? Alors comme si ça ne suffisait pas, on remet une couche de sémantique. (Ils s’arrêtent devant la bibliothèque) Bon, tu viens ou pas ?
Eddie – Où ça ? A la bibliothèque ?
Joey – Ben, on est arrivés, non ?
Eddie – Tu es arrivée. Et si tu veux toujours être gentille, tu peux coller ça sur le panneau d’affichage. (Il lui donne des affiches et s’en va)
[Plateau de tournage, extérieur. Heather est au téléphone plutôt énervée. Dawson est avec Todd qui est assis dans la chaise du réalisateur.]
Heather – Oui, il veut un nouvel assistant et il le veut tout de suite, je te dis. Je peux difficilement être plus claire.
Todd – Il est même pas midi et elle a déjà virer des gens sur trois continents. (Il regarde l’assiette que Dawson tient) Omelette avec trois œufs ?
Dawson – Un œuf entier et deux blancs.
Todd – (Il attrape l’assiette et se lève) Allons-y.
Heather (toujours au téléphone) – Oui et ben, crois-moi, si je le savais, ce serait moi l’assistante. (Elle voit Todd et Dawson s’approcher) Ok bon, faut que je te laisse. (Elle raccroche)
Todd – Le petit-déjeuner est prêt. (avec un grand sourire)
Heather – Bon, écoute-moi bien Todd. Comme ton petit camarade te l’a fait remarqué hier soir, nous sommes en dépassement au niveau du budget. Dépassement qui serait secondaire si le tournage était idyllique. Mais, cette fille nous agace !
Todd – Natasha ?
Heather – Natasha, Nathalie, Nadia… peu importe. Celle qui a une chambre correcte. Je sais que tu as dit que tu pouvais travailler avec elle mais le mieux c’est de tout arrêter, de revoir le casting.
Todd – Oh mais doucement là, une minute. Elle est peut-être pas tout à fait prête mais on n’arrête pas un tournage uniquement parce que la fille qui, qui…
Dawson – Natasha y arrivera très bien. (Interrompu, Todd se retourne vers lui) Pour qu’un film comme celui-ci fonctionne, l’héroïne doit avoir deux atouts majeurs. Elle doit être sexy et intelligente. Et elle est ce genre de fille.
Heather (à Todd) – Pourquoi je devrais tenir compte de ce qu’il dit ?
Todd – Parce que Dawson a toujours raison.
Dawson (à Todd) – Mais tu n’as qu’à lui montrer des rushes, on peut faire un montage pour cette après-midi.
Heather – (à Todd) Tu penses vraiment que je changerai d’avis après ça ?
Todd (complètement perdu) – Essayons toujours.
[Le téléphone de Heather sonne]
Heather – Allo ?
[Heather se lève et s’en va. Todd et Dawson se regarde l’un l’autre peu convaincus.]
[Boston Bay College, cours du Professeur Freeman. Les étudiants quittent la classe à la fin du cours alors que Jen et Jack sont toujours assis.]
Jen – Il y a un truc qui m’échappe. Attends, il y a forcément une erreur là. Ma note est meilleure que la tienne.
Jack – C’est ce que je vois.
Jen – Et tu as travaillé comme un fou tout le semestre.
Jack – Oui, mais visiblement, c’était pas suffisant.
[Jack se lève pour voir le Professeur Freeman qui discute avec un autre élève]
Freeman – (à un étudiant) C’est un excellent travail. (Il se tourne vers Jack) Laissez-moi deviner, encore un client qui vient se plaindre.
Jack – Euh ben, enfin j’ai juste une question à propos de ma note. C-, c’est pas beaucoup pour quelque chose que vous avez apprécié.
Freeman – Moi, j’ai dit ça ?
Jack – Vous l’avez dit l’autre soir.
Freeman – Ah, bien sûr. Oui, alors ce que j’ai voulu dire, c’est que j’avais apprécié le contenu. En revanche, pour ce qui est de la structure, ça reste très rudimentaire. Je peux vous recommander des ouvrages qui vous seront très utiles. Nous verrons ça une autre fois, j’ai un cours à donner, il faut que j’y aille.
Jack – Oui, bien sûr.
[Freeman prend sa mallette et s’en va, au dernier moment, il se retourne.]
Freeman – Un C- c’est pas si catastrophique que ça, Jack. Vous m’avez dit que vous n’étiez pas très motivé, cette année.
Jack – Moi, je trouvais que ça allait mieux ces derniers temps.
Freeman – Il est possible que vous ayez eu des attentes un peu trop irréalistes.
[Freeman s’en va et Jack reste là, déçu]
[Plateau de tournage, extérieur. Todd fait des réglages avec la caméra pendant qu’un technicien le pousse sur le rail.]
Todd – Plus lentement. Plus lentement. (Il se retourne vers le technicien) Qu’est-ce que je t’ai dit, t’es sourd ou quoi ?! Coupez !
Assistant 1 – Coupez !
Todd – Trouvez-moi Leery, s’il vous plait. Merci.
Assistant 1 - Tout de suite.
[Dawson arrive derrière lui]
Dawson – Je suis là.
Todd – Où elle est ?
Dawson – Elle est partie il y a 20 minutes, elle voulait faire une séance de gym. On les revoit, le monteur et elle, à la pause déjeuner.
Assistant 2 – Todd, Natasha est coiffée, maquillée. On attend plus que la caméra.
Todd – Parfait. L’occasion que j’attendais se présente enfin.
[Todd se lève et s’éloigne du plateau avec Dawson]
Dawson – Qu’est-ce que tu vas faire ?
Todd – Ben, à ton avis ? C’est ce que je préfère dans ce boulot.
Dawson – Oh, ne me dis pas…
Todd – Bien sûr que si. Rien n’est plus jouissif que d’expliquer à des minettes surpayées qu’on peut les remplacer en moins de deux.
Dawson – Je croyais qu’elle te plaisait.
Todd – Très juste. Oh, pas autant qu’à toi évidement mais ça peut altérer ton jugement, mon pote.
Dawson – Peut-être. Seulement ça ne sert à rien de la harceler parce que si elle perd confiance en elle, la journée ne finira pas plus vite.
Todd – Ecoute bien, je vais te faire une confidence. Les films d’horreur de seconde zone dont le tournage s’arrête une semaine ne reprennent pas toujours, il faut le savoir. Et toi, comme tu travailles pour moi, la question de mon avenir sur ce plateau doit t’intéresser.
Dawson – Tu vas la virer, sans hésiter.
Todd – Si c’est elle ou moi, j’hésite pas. Tu comprends mieux comme ça ?
[Un des assistants s’approche d’eux]
Assistant 2 – Todd, ils t’attendent à la caméra.
Todd (à Dawson) – On finira cette discussion après. (Il retourne vers le plateau et voit des techniciens transporter du matériel) Qu’est-ce que vous faites, là ?
[Dawson voit au loin Natasha entrer dans les vestiaires et la rejoint. Quand il entre sous la tente, Natasha est torse nu.]
Natasha – Je pensais qu’il me restait 5 minutes. (Elle voit Dawson entrer qui se retourne immédiatement et va se rhabiller en riant.) Oooh. Ah, wouah, chemisier blanc sur soutien-gorge noir, c’était pas une bonne idée. Alors euh, j’ai entendu dire que Todd voulait me parler. (Elle se regarde dans le miroir, une chemise devant elle)
Dawson – Ah oui, c’est au sujet de, euh, cette prise de vue.
Natasha – Quoi, c’est compliqué ?
Dawson – Disons que, qu’il aime bouger la caméra.
Natasha – Oui, j’avais remarqué. Au fait, qui est cette femme avec qui vous discutiez ce matin ?
Dawson – Heather Tracy, chargée de production. Elle s’inquiète pour le non-respect des délais.
Natasha – Cool. Il y a un truc qui ne va pas, Dawson ?
Dawson – Non, non. C’est juste que tu étais en petite tenue quand je suis entré.
Natasha – (elle rit) Tu es d’une pudeur. Si on doit travailler ensemble, tous les deux, tu vas devoir lâcher certaines choses.
Dawson – Tu vas devoir apprendre à ne pas t’en aller à chaque fois que j’arrive quelque part.
Natasha – Ok, on a du pain sur la planche, toi et moi. (Elle essaie un autre chemisier) Je sais que je n’ai pas la côte ici.
Dawson – Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
Natasha – Oh, Todd a du mal à communiquer et la délicatesse et lui, ça fait deux. C’est quelque chose que je sens, voilà. C’est pour ça que je veux assurer, je veux être au top dans cette scène. Aide-moi. Ma meilleure amie est mourante et je ne sais pas ce que je dois penser.
Dawson – Ne pense pas. C’est ta meilleure amie, qu’est-ce que tu vas faire ?
Natasha – J’en sais rien. La sauver, la soutenir.
Dawson – Et si ça ne fonctionne pas ?
Natasha – Sauver ma peau, alors.
Dawson – Tu as trouvé, c’est ça ! Evite de penser, contente-toi de jouer. Et quand Todd te dit de sauter…
Natasha – Je lui demande « à quelle hauteur ? »
Dawson – C’est exactement ça. N’oublie jamais où se trouve la caméra, c’est comme ça que tu communiques avec lui.
Natasha – (elle soupire) Tu penses que ça va marcher ?
[Une assistante passe près de la tente]
Assistante – Tout le monde t’attend, Natasha.
Dawson – Je te le garantis.
Natasha – Merci beaucoup. (Elle sort de la tente)
[Bureau de Pacey. Il est au téléphone avec un client]
Pacey – Vous vous moquez de moi, là. Mais enfin, Stan, je suis pas plus kamikaze que d’autres. Allons, vous abandonnez tout de suite. Vous ne tenez même pas compte de l’inflation. Stan, tout ce que je vous demande, c’est deux secondes d’attention et je…
[On voit de loin une jeune femme entrer dans le bureau et Pacey la regarde, on entend que c’est Audrey, tous les hommes la regardent.]
Audrey : Vous pouvez me dire où est Pacey Witter ?
Homme : Oui, c’est tout droit.
Audrey : Merci
Pacey : (au téléphone) Vous savez quoi, il faut que je vous laisse mais je vous rappellerai parce que croyez-moi, ça risque de rapporter gros. (Il se lève et va à la rencontre d’Audrey laissant tomber son téléphone)
Audrey : Ah te voilà enfin. Dis donc, bonjour le cerbère à l’accueil.
Pacey : Audrey, qu’est-ce que tu viens faire ici ?
Audrey : Pas de bonjour, pas de bisou. Alors qu’il m’a fallu une éternité pour passer le… (Elle essaye de l’embrasser)
Pacey : (en repoussant son visage) Non, c’est pas le lieu.
Collègue : Prends une chambre, Witter.
Pacey : Excellente idée, merci du conseil, très sympa. On va aller dans la salle de conférence.
Audrey : Bye tout le monde.
[Il emmène Audrey vers la salle]
Pacey : Audrey, soyons clairs, tu ne peux pas débarquer ici sans prévenir.
Audrey : Ah bon ? Et comment je fais alors ? Mais enfin, chéri, tu ne prends jamais mes appels.
Pacey : Parce que je travaille, Audrey. Et quand je travaille, je suis au téléphone. Par conséquent, c’est très difficile de prendre d’autres coups de fil. En fait, je ne devrais pas être ici en ce moment, je devrais être…
Audrey : Au téléphone. Je saisis. S’il te plait, ne sois pas fâché, s’il te plait, s’il te plait. Il vient de se passer quelque chose d’incroyable et je ne serais jamais venue si ce n’était pas important.
Pacey : Eh ben, voyons voir.
Audrey : Emma, figure-toi qu’elle m’a demandé de faire partie de son groupe. Moi, pour de vrai. Oui bon, à l’essai, bien sûr, parce que, théoriquement, elle ne me supporte toujours pas. Elle est convaincue que c’est moi qui ai mangé son boulgour. Mais on a répété toute la journée et on donne un concert ce soir au Hell’s Kitchen.
Pacey : Magnifique.
Audrey : Oui, c’est fantastique. Tu vois, il fallait que je vienne pour te contraindre à sortir et à montrer le bout de ton nez ce soir. Chéri, il faut que tu sois là. C’est un peu comme une audition et tout le monde dit qu’Emma est d’humeur drôlement instable quand il y a va de l’image de son groupe.
Pacey : Euh, oui. Arrête, c’est bon.
Audrey : Tu vas venir ?
Pacey : Oui, tant qu’il s’agit de ta…
Audrey : Je me sauve (elle l’embrasse et va vers la porte)
Pacey : Sauve-toi.
Audrey : A plus tard.
[Worthington University, cours du Professeur Hetson. Joey présente son exposé devant la classe.]
Joey : Le jeu continue et atteint son point culminant avec l’explication de ce… (Elle regarde sa fiche) l’explication du papier codé.
Hetson : Stop. Je m’ennuie tellement que mon rythme cardiaque diminue. (Les étudiants se mettent à rire) Quand Humbert s’en va pour prendre ce coup de fil urgent et qu’il revient, que fait Lolita avec ses faux airs de nymphette délurée ?
Joey : Euh, une partie de tennis.
Hetson : Où et quel genre de tennis ?
Joey : (Elle regarde ses fiches) Du bon tennis. (On entend des rires)
Hetson : Potter ! Oh non, vous me décevez. Comment voulez-vous qu’on apprenne quelque chose si la personne désignée pour nous enseigner n’a même pas lu le roman ? Qui peut répondre ? Non, personne ?
[Eddie lève la main]
Hetson : Eddie. Eddie, bien sûr. Eddie sait toujours tout. Il n’est pas souvent volontaire mais il sait toujours tout. S’il vous plaît, éclairez notre lanterne.
Eddie : Elle joue en double.
Hetson : Vous voyez. Je vous l’avais dit, il sait tout. Dieu merci, il est là pour combler les lacunes de Mlle Potter qui peut continuer sa prestation soporifique.
Eddie : Vous arrêtiez de vous acharner sur elle deux secondes, peut-être qu’elle aurait beaucoup moins le trac. (Joey relève les yeux, étonnée)
Hetson : Qu’est-ce que je viens d’entendre ? Une petite critique de mes méthodes d’enseignement ? Moi qui me suis toujours considéré comme quelqu’un d’indulgent, comme quelqu’un prêt à fermer les yeux sur certaines conduites que d’autres professeurs plus traditionnels n’apprécieraient probablement pas.
Eddie : C’est vous qui le dites.
Hetson : Oh, vous n’êtes pas d’accord. Ah, je suis prêt à débattre de cette question avec vous quand vous le voulez. J’attends ça depuis des semaines en réalité.
Joey : Je continue ou quoi ? Parce que les doubles et ce que ça sous-entend, c’est assez important.
Hetson : Je sais. C’est pour ça que j’ai voulu aborder ce thème. Je vous donne une chance de vous racheter. Dans les années 40, un auteur connu, émigré russe, qui s’appelait Vladimir Sirin a cessé d’exister. Pourquoi ?
[Joey regarde à nouveau dans ses fiches. Hetson l’imite et regarde avec elle.]
Hetson : S.I.R.I.N. Pas d’idée ? Vous pourriez peut-être interroger l’homme aux multiples facettes qui a réponse à tout. Eddie ?
Eddie : Parce qu’en fin de compte, cet individu n’avait jamais existé.
Hetson : Jamais existé, vous voulez dire que c’était une ombre, un courant d’air, un fantôme ou bien peut-être un homme qui se faisait passer pour quelqu’un d’autre.
Eddie : On peut dire ça ou juste dire que c’était un pseudonyme.
Hetson : On peut dire ça. Cependant il s’agissait d’une identité secrète. Excusez-moi Eddie, la question abordée vous semble peut-être hors sujet.
Eddie : Je dis simplement que j’ai compris.
Hetson : Ah ! Mais les autres, ont-ils compris ?
Eddie : Est-ce bien utile ?
Hetson : A vous de me le dire.
Eddie : Pour moi, la question est sans intérêt, vraiment. Mais si ça vous dérange à ce point, je vais y aller.
[Il prend ses affaires et quitte la classe sous le regard étonné de Joey. Hetson s’assied à sa place]
Hetson : Vous allez prendre racine, Potter, continuez.
Joey : Tout à l’heure. (Elle descend de l’estrade et part après Eddie)
Hetson : Vous êtes sûre d’avoir dit ce que j’ai entendu ?
Joey : (sans même se retourner) Oui.
[Hetson se lève et la regarde partir l’air ébahi. Joey court après Eddie dans le couloir.]
Joey : Hey, attend !
Eddie : Ben, toi aussi, tu quittes le cours ?
Joey : Non, tu retournes à ta place. Je sais pas ce qui s’est passé là mais il faut pas que tu t’écrases comme ça devant lui.
Eddie : Tu as raison. Tu ne sais pas ce qui s’est passé. Alors, dans ce cas, je pense que le plus sage, c’est que toi, Joey, tu t’occupes de ce qui te regarde. (Il s’en va)
[Hell’s Kitchen. Emma travaille au bar et discute avec Joey.]
Emma : C’est simple. S’il n’est pas derrière le bar, c’est qu’il n’est pas de service.
Joey : Il travaille tous les soirs.
Emma : Oui, sauf ce soir.
Joey : Bon, est-ce que par hasard, tu saurais où il habite ?
Emma : Dans un appart, quelque part. Deux heures de trajet minimum si t’y vas en transport en commun.
Joey : Il n’habite pas sur le campus ?
Emma : Quel campus ?
Joey : Worthington.
Emma : Pourquoi est-ce qu’il vivrait sur le campus ?
Joey : (elle réfléchit) Ben, comme ça.
Emma : T’as pas crû qu’il était étudiant. Ouais, bon c’est vrai qu’il est tout le temps en train de lire.
Joey : Il lit beaucoup, c’est vrai. Tu crois qu’ils ont son adresse dans son dossier, dans le bureau du fond ?
Emma : Surement, oui.
Joey : Merci. Je reviens pour la fermeture. Bonne chance, hein, pour le concert.
Emma : Merci, Joey. Je te réserve une surprise de taille.
Joey : Ah oui ? (Elles se quittent en riant)
[Studio de montage. Todd, Heather et Dawson regarde une scène du film avec un technicien.]
Heather : (au téléphone) Non, je peux pas t’en parler, je ne suis pas seule. (Le technicien coupe la scène) (à Todd) Ouais, ça s’est légèrement amélioré. Adéquate au lieu de déplorable.
Dawson : Non, c’est pas juste.
Heather : (au téléphone) Trouve-moi Chatsworth. (à Todd) Non mais, très franchement, c’est normal qu’elle fixe constamment le sol ou c’est parce qu’elle cherche ses marques sans arrêt ? (au téléphone) Euh, New York, Los Angeles, ça m’est égal. (Elle s’éloigne d’eux)
Dawson : Elle a à peine regardé.
Todd : Ouais, j’ai vu ça. Mais on peut savoir le job de qui tu essaies de sauver ?
Dawson : De tout le monde. Todd, le pire qui puisse arriver, c’est que le tournage s’arrête, n’est-ce pas ? Va la chercher, il faut qu’elle regarde. Et cette fois, mets les qualités de Natasha en valeur, pas ses défauts. Utilise ce gros plan et change la musique.
Todd : (au monteur) On fait ça, vite. (à Dawson) Et toi, tu restes ici. Ce qu’il faut là, c’est du calme et du professionnalisme.
Dawson : Exact.
[Dawson assiste le monteur pour modifier la scène pendant que Todd va chercher Heather.]
Heather : (au téléphone) Ok, j’attends.
Todd : Heather, chérie.
Heather : Quoi, encore ?
Todd : Si on parlait de manière rationnelle avant de jeter je ne sais combien de kilomètres de péloche à la poubelle.
Heather : Rationnelle ? Rationnelle comme quand je suis partie aux Bermudes avec toi et que tu m’as larguée pour une danseuse aux seins nus ?
Todd : Evitons d’en faire une histoire perso, s’il te plait. Tu vois ce que je veux dire, tu es fiancée et moi je…
Heather : Tu bosses sur un film qui pourrait être bientôt arrêté… par moi. (Dawson les regarde de derrière) Et dont le tournage ne reprendra sans doute jamais. (au téléphone) Je reste en ligne.
Todd : Heather, c’est toi qui as engagé cette fille, non ?! Ce n’est pas une espèce de petite nymphomane ambitieuse avec qui j’ai voulu être gentil.
Heather : A titre d’information…
Todd : Oui ?
[En même temps, Dawson termine le montage avec le technicien avant de rejoindre Todd et Heather en train de se disputer]
Dawson : (au monteur) On peut y aller ?
Heather : J’ai engagé cette fille parce que je pensais que tu pourrais en tirer quelque chose.
Dawson : Et c’est ce qu’il a fait. Vous n’avez encore rien vu. (au monteur) Scott ?
[Todd et Heather se toisent mais finissent par se tourner vers l’écran quand Scott lance la scène.]
Dawson : C’est mieux, non ? Avant, on se focalisait sur les lieux tandis que là, c’est comme si on était seuls avec sa peur.
Todd : Qu’est-ce que t’en dis ? Toi aussi, tu joues peut-être ta tête sur ce coup-là.
Heather : Et bien, je crois que ton petit camarade a raison.
[Dawson et Todd se regardent et Todd lui fait un clin d’œil.]
[Boston Bay College. Jack attend à côté d’une porte dans le couloir. Il a l’air assez impatient.]
Jack : Allez !
[Il soupire et la porte finit par s’ouvrir. Une étudiante sort et il entre dans le bureau du Professeur Freeman.]
Freeman : Jack. J’ignorais que quelqu’un d’autre attendait, désolé.
Jack : Ouais, ça prend… ça prend du temps de recevoir et d’écouter tous vos adorateurs.
Freeman : Alors, en quoi puis-je vous aider ?
Jack : J’y ai pensé toute la journée. J’ai une autre petite chose à vous demandé pour mon devoir.
Freeman : Allez-y.
Jack : Si je n’avais été aussi choqué par ce que vous m’avez dit l’autre soir, est-ce que j’aurais obtenu une meilleure note ? (Il jette son devoir sur le bureau)
Freeman : C’est un coup bas, ça.
Jack : Non, parce que là, j’essaie de prendre une décision en connaissance de cause. Et si c’est de ça qu’il s’agit, alors redemandez-le moi, il se pourrait que je dise oui cette fois.
Freeman : Je ne sais pas quoi dire. Euh, l’être humain donne parfois trop d’importance aux choses.
Jack : Trop d’importance ou pas assez ? Ça se discute parce que moi je suis tout à fait prêt à…
Freeman : Oui. Oui, oui, ça va. J’ai compris.
Jack : C’est une chose d’être… d’être un gamin qui a du mal à assumer, qui redoute la réaction de ses amis, de sa famille, qui a peur de ce que les gens qu’il rencontre pourrait penser de lui au fond d’eux-mêmes. Ça, je le conçois et je l’excuse venant de la part d’un adolescent. Mais, vous, vous êtes un adulte et vous êtes marié. Vous êtes en train de gâcher des vies plus que vous ne le croyez.
Freeman : Que voulez-vous que je dise ? Tout le monde n’est pas disposé à se sacrifier pour une espèce de programme politico-social. Tout le monde n’est pas disposé à faire partie d’une minorité méprisée.
Jack : Ouais. Ben, si c’est le cas, vous devriez peut-être vous demander qui a une conduite méprisable.
[Il quitte le bureau]
[Hell’s Kitchen, le soir. Jen traverse la scène pour rejoindre Audrey sur le côté qui se prépare à monter chanter avec le groupe d’Emma. Elle paraît très nerveuse.]
Audrey : Oh, t’as regardé ? C’est bon, il est dans la salle ?
Jen : Ben, en fait, je suis pas très sûre. Il y a tellement de monde que c’est dur à dire.
Audrey : Combien en tout ?
Jen : Plein, dans tous les coins. Pourquoi, ça va ? Audrey, t’as pas le trac ?
Audrey : (elle vérifie son maquillage) Non enfin, quelle question. Pourquoi tu voudrais que j’aie le trac ?
Jen : J’en sais rien, t’as l’air tendu alors...
Audrey : (elle secoue les épaules) Ça va.
Jen : Dis. A propos de l’autre soir.
Audrey : Quoi, quel autre soir ?
Jen : Celui où tu t’es saoulée.
Audrey : Tu veux que je te dise, très franchement, Jen, je te jure que c’est la vérité, à l’heure qu’il est, je ne me souviens plus de rien du tout. Alors ce que je te propose…
Emma : Bon, mesdemoiselles, il n’est plus temps de se ravaler la façade. Je crois que les gens ont bu juste ce qu’il fallait.
Audrey : Et ça veut dire qu’on y va ? (Elle suit Emma sur scène)
Emma : Tu as deviné. Eh, au fait, Audrey, très cool tes piercings. (Audrey porte un faux piercing au nez et à la bouche)
Audrey : Merci, c’est gentil.
Emma : Si tu n’assures pas, je t’étrangle.
Audrey : Ah d’accord, bien.
[Les filles se mettent en place et Audrey va au micro. Jen est dans le public.]
Audrey : Euh, bonsoir tout le monde. Nous sommes les Hell’s Bells et nous allons vous interpréter quelques tubes revisités, des chansons apaisantes, hyper relaxantes, hyper euh…
[Audrey se tourne vers Emma qui lance le tempo à la batterie. Elles jouent « California Dreamin’ » de The Mamas & The Papas, la chanson que Audrey chantait plus tôt sous la douche mais en version beaucoup plus rock.]
[En ville, le soir. Joey marche dans une rue déserte et arrive près d’un immeuble à appartements. Elle sonne à la porte et attend quand Eddie la surprend en arrivant derrière elle.]
Eddie : Qu’est-ce que tu fais ici ?
Joey : Oh, tu m’as fait peur.
Eddie : Ouais, apparemment. Je t’ai posé une question.
Joey : Ben, je voulais te parler de ce qui s’était passé ce matin en cours.
Eddie : Ouais, mais je n’en vois pas l’utilité vu que je n’y retourne plus.
Joey : Oui, je sais. J’ai compris, d’accord. Je sais que tu n’es pas vraiment étudiant.
Eddie : Ah ouais, tu as compris.
Joey : Oui, enfin je comprends pas quel était le but de l’opération mais… (Eddie ne lui répond pas) J’ai fait un bon bout de chemin. Peut-être que tu pourrais m’offrir un verre d’eau, je sais pas.
[Eddie va ouvrir la porte de l’immeuble et Joey le suit. Ils sont maintenant dans l’appartement. Joey est assise au bar de la cuisine. Eddie cherche de quoi lui servir à boire.]
Joey : Finalement, mon exposé s’est très bien déroulé, après ton départ. C’est vrai, j’ai réussi à entrer dedans.
[Il lui sert de l’eau du robinet dans une tasse.]
Eddie : Hmmhmm, bravo. Félicitations, Joey. Je suis content pour toi. Et je suis sûr que tu es à deux doigts de percer la carapace haineuse de Hetson, de gagner son respect éternel et de décrocher ton diplôme avec les félicitations du jury. Tu pourrais t’éviter des tracas et tout simplement coucher avec lui.
Joey : Ça vient de moi ou est-ce que tu tiens ce genre de discours à tous ceux qui veulent te venir en aide. (Il soupire) Tu ne dis plus rien, Eddie ?
Eddie : Non, sois gentille, laisse-moi deux secondes. Il me faut du temps pour intégrer et digérer l’idée dégradante que je pourrais avoir besoin d’aide.
Joey : Oh, tu ne crois pas que j’aie pu comprendre ce que tu ressentais ?
Eddie : Non, j’en doute. Excuse-moi si en fin de compte, je ne suis pas la personne que tu imaginais. Entre nous, c’est pas vraiment raisonnable de s’investir à ce point sans même savoir qui est l’autre.
Joey : Oh, j’ai rien investi du tout, je te rassure.
Eddie : Ah bon, alors pourquoi tu es là ? J’ai l’impression que tu gâches un temps précieux ; que tu pourrais utiliser pour reconquérir ton petit ami bon chic, bon genre, si jamais il en a envie.
Joey : Tu te souviens quand tu m’as demandé de te rappeler à l’ordre quand tu devenais nul ?
Eddie : Oui. Tu te serais épargnée bien des ennuis si tu m’avais téléphoné avant de venir.
Joey : Ouais, entendu. J’ai sans doute crû qu’on pouvait dépasser ça.
[Elle quitte l’appartement sans se retourner.]
[Hell’s Kitchen. Joey a rejoint Jen et elles regardent Audrey chanter « Girls Just Wanna Have Fun » de Cindy Lauper. Tout le monde applaudit lorsque le groupe termine et quitte la scène.]
Audrey : Oh mon dieu, c’était carrément éblouissant.
Emma : C’était pas trop nase, c’est vrai.
[Elle va chercher de l’eau dans le frigo. Jen et Joey les rejoignent à l’arrière.]
Audrey : Oh s’il te plait ! Ça a marché, ils nous ont adorées ! Reconnait-le, ils nous ont adorées.
Emma : Je le reconnais, ils nous ont adorées.
Audrey : Joey, chérie, tu as pu te libérer. (Elles se prennent dans les bras l’une de l’autre)
Joey : Oui, j’ai pas tout vu mais je t’ai trouvée géniale.
Jen : Bien plus que géniale, éblouissante !
Audrey : (à Emma) Tiens, t’as vu ! Elle trouve qu’on a été éblouissantes, elle aussi.
Emma : Ouais.
Audrey : Où est Pacey ?
[Joey et Jen se regardent ne sachant pas quoi lui répondre. Audrey comprend donc qu’il n’est pas là et Emma fait un signe de tête désapprobateur.]
[Plateau de tournage. Dawson est près de Heather qui est assise à l’extérieur. Todd arrive avec Natasha.]
Todd : Heather, je vous voudrais te présenter quelqu’un, chérie. Natasha, voici Heather Tracy, elle représente le studio.
Natasha : Enchantée.
Heather : Oh ben ça alors ! (Elle se lève pour lui faire la bise) Aah, je suis si contente de faire enfin votre connaissance. Vous avez une peau étonnante.
Natasha : Euh, merci.
Heather : Et puis, vous êtes tellement pro. C’est un plaisir de vous compter dans l’équipe. Au fait, c’était parfait cette scène, bravo Natasha.
Natasha : Merci, je… J’avais décidé de me contenter de jouer.
Todd : Heather ? On y va ?
Heather : Bonne idée. Je suis si impatiente.
Todd : Salut vous deux, à plus tard.
[Il fait un clin d’œil à Dawson et part avec Heather. Il essaie de la tenir par l’épaule mais se ravise rapidement et la laisse marcher devant ce qui fait rire Dawson.]
Natasha : Je sens qu’elle me déteste.
Dawson : Détester ? Non.
Natasha : En général, c’est mauvais signe quand le réalisateur quitte le plateau à la pause déjeuner avec quelqu’un qui arrive de L.A. Qu’est-ce que vous êtes allés faire ? Les boutiques, une audition pour me remplacer ?
Dawson : (le regard fuyant) Euh, les boutiques.
Natasha : Tu ne sais pas mentir, Dawson. En fait, tu es même archi nul comme menteur. Je t’en prie, tu peux être honnête avec moi. Je sais que j’ai été engagée par hasard.
Dawson : Non, tu as été engagée parce que tu es parfaite pour le personnage et aussi parce que tu as du talent.
Natasha : Oui, c’est ça. Ou peut-être parce que j’ai beaucoup de chance.
Dawson : On dirait que face à la réussite, tout le monde réagit comme ça. Ou tous ceux qui ont une âme.
Natasha : Tu n’as toujours pas perdu la tienne ?
Dawson : (soupir) Je crois que non.
[Elle rit et ils continuent à parler en marchant sur la rue. En arrière plan, on voit des techniciens ranger le matériel de tournage.]
Natasha : C’est peut-être pour ça qu’on s’est rapprochés, toi et moi. Quand on s’est rencontrés, à cette fête. Ce soir-là, j’avais pas trop le moral. Je me disais que j’étais idiote de vouloir me lancer là-dedans, que je ferais mieux de laisser tomber et, qui sait, de devenir institutrice, comme ça ma mère serait comblée.
Dawson : Ta mère voulait que tu soies institutrice ?
Natasha : Oui. (Ils rient tous les deux) Si elle savait tout ce que j’ai fait pendant l’adolescence. Enfin bref, je me souviens m’être dit ; si jamais une comédienne qui tourne vient s’assoir à côté de moi et commence à se plaindre de sa vie, je pousse un hurlement, je me lève de ce canapé et toujours en hurlant, je fonce à la pizzeria où je travaille, je leur donne ma démission et adieu. Et tu es apparu. Pourquoi tu as fait ça, au juste ?
[Ils s’arrêtent devant la caravane de Natasha]
Dawson : Honnêtement ?
Natasha : Mmmhmm
Dawson : Tu étais la seule fille sexy dans cette pièce qui semblait avoir lu au moins un bouquin dans sa vie.
Natasha : (elle rit) Et c’est là que tu as senti que j’étais faites pour ce rôle.
Dawson : Après avoir échangé quelques mots, oui.
Natasha : C’était pas que de la drague, finalement.
Dawson : Ah si, si, je te draguais.
Natasha : (en riant) Ah bon.
Dawson : Si, si, oui mais je trouvais qu’il n’y avait pas de mal à te parler de cette grande audition.
Natasha : Ouais et j’ai eu le rôle. J’en reviens toujours pas. Quelle fabuleuse journée ! J’avais enfin l’impression que ma vie était en train de changer.
Dawson : Elle a changé.
Natasha : Ouais, c’est vrai. (après un petit silence à se regarder) Bon, je retourne dans ma roulotte.
Dawson : D’accord.
Natasha : Mais peut-être que ce soir au bar, on pourrait, je sais pas, faire une partie de dés ou jouer aux fléchettes.
Dawson : J’adorerais ça.
Natasha : Moi aussi.
[Elle monte dans sa caravane et Dawson part en souriant alors que les lumières du plateau s’éteignent dans la rue.]
[Appartement de Pacey/Jack/Emma. Après le concert, Audrey et Emma rentrent à l’appartement.]
Audrey : C’est super que le bar soit juste de l’autre côté de la rue.
Emma : Ouais, ça simplifie pas mal les choses.
Audrey : Il faut vraiment que je te remercie.
Emma : De quoi ?
Audrey : D’avoir pris le risque de m’engager, c’est énorme.
Emma : Dans un groupe punk, il faut vraiment être nul pour rater un concert. (Elle ouvre la porte de l’appartement)
Audrey : Oui, je sais mais c’était très important pour toi. Tu m’as fait confiance et…
Emma : Gardons nos distances, tu veux. Ton obsédé de petit ami risque de fantasmer sinon.
Audrey : (en riant) Ça oui, il y a des chances.
[Elles entrent et elle trouve Pacey endormi sur le canapé encore habillé en costume.]
Emma : Oh la la, Pauvre crétin. Il ne s’est pas couché la nuit dernière ; il s’est écroulé, c’était à prévoir ça. Bon, à demain. Bonne nuit.
Audrey : Bonne nuit.
[Audrey s’approche de Pacey derrière le canapé et le secoue par les épaules. Il se réveille en sursaut.]
Audrey : Salut.
Pacey : Oh non, j’ai loupé le concert, c’est ça ?
Audrey : Ouais.
Pacey : Audrey, je suis rentré pour me doucher et me changer et tout ce que je voulais, c’était…
Audrey : Et résultat, t’es jamais arrivé sous la douche.
Pacey : D’accord, dis-moi ce que je peux faire pour me rattraper. S’il te plaît, demande tout ce que tu veux, je suis, complètement, totalement, 100 % à toi, à ton service.
Audrey : (Elle hausse les épaules) Il est tard, on est fatigués mais tu crois que tu peux me raccompagner ?
Pacey : Oui, bien sûr.
Audrey : Ce soir, je… ce soir, j’ai envie de dormir dans mon lit.
Pacey : Oui, bien sûr, je comprends.
Audrey : Allez, je monte chercher mes affaires.
Pacey : Très bien, vas-y. Moi, je t’attends ici.
[Audrey part et monte l’escalier tandis que Pacey reste assis sur le canapé l’air pensif. On entend un bruit d’orage dehors.]
[Hell’s Kitchen. A l’extérieur, il pleut. Joey est occupée à faire la fermeture. Eddie entre danns le bar.]
Joey : Qu’est-ce que tu viens faire ici ?
Eddie : Tu fais la fermeture, tu as peut-être besoin d’aide.
Joey : On se demande comment tu peux aider, toi.
Eddie : D’accord, c’est de bonne guerre.
Joey : Je n’insiste pas sur le côté dégradant de l’idée selon laquelle j’aurais besoin d’un coup de mains.
Eddie : Ça va, j’ai compris. Tu as fini là ?
Joey : Pour l’instant, j’ai fini. (Elle va nettoyer une table un peu plus loin.)
Eddie : C’est accidentel, on va dire. C’est la première fois que je fais ça.
Joey : Comment arrive-t-on de façon accidentelle dans un cours en faisant semblant d’être étudiant ?
Eddie : (Il hausse les épaules) C’est ma pause déjeuner, je mange, assis sur une pelouse. Des étudiants arrivent en bande avec une… avec une série de, de bouquins merveilleux comme, enfin peu importe. Et les voilà, tout à coup, qu’ils se mettent à parler de Shakespeare.
Joey : Et tu lisais justement Hamlet ou Le Roi Lear ?
Eddie : Non, je lisais Moby Dick. J’ai lu Shakespeare plus tard.
Joey : Tout Shakespeare ?
Eddie : Où est l’intérêt de ne faire les choses qu’à moitié ?
Joey : Je vois. Et c’était tellement facile que tu, tu y as pris goût.
Eddie : Oui, comme ça, au moins, ça m’évite de marcher sans but dans la ville… et de m’en prendre systématiquement aux gens qui passent.
Joey : Moby Dick, hein ? (Elle ramène des bouteilles vides sur le comptoir)
Eddie : Hey, tu n’es peut-être pas aussi stupide qu’Hetson le croit.
Joey : Ça reste à voir. Ecoute, contrairement à ce que tu pourrais penser, je suis passée chez toi pour m’excuser. J’ai l’impression d’être fautive quand tu t’es fait repérer aujourd’hui.
Eddie : Comment ça ?
Joey : Hetson t’aurait laissé tranquille dans ton coin si tu n’avais pas été gentil avec moi.
Eddie : Gentil ? Tu as crû que je voulais me montrer gentil ?
Joey : Oui. Oui, ça m’a semblé être l’évidence.
Eddie : Faux !
Joey : Faux ?
Eddie : Je ne faisais pas mon gentil, je faisais mon intéressant. Je dois dire que je suis extrêmement déçu. (Il s’approche à un mètre d’elle)
Joey : Tiens, donc.
Eddie : Oui. (Il imite Hetson) Comment voulez-vous qu’on apprenne quoi que ce soit, Potter ? (Joey sourit) Vous n’avez rien préparé, je suis sûr.
Joey : Non, rien.
Eddie : Ça se sent. (Ils rient tous les deux)
[Boston Bay College, extérieur, le lendemain. Le Professeur Freeman dépose le devoir de Jack sur le comptoir d’un vendeur de café. La note C- a été barrée et remplacée par un B.]
Jack : Qu’est-ce que c’est ?
Freeman : Vous avez oublié votre copie, dans mon bureau, hier.
Jack : Et là, normalement, tout rentre dans l’ordre ?
Freeman : J’ai peut-être laissé mes émotions influer sur la notation de votre travail. Si c’est le cas, c’est inexcusable.
Jack : Je sens que l’excuse ne va pas tarder.
Freeman : Vous ne vous rendez pas compte à quel point le monde a changé.
Jack : Si le monde a changé, c’est avant tout parce que des gens ont décidé de se mobiliser, de ne plus se taire et d’assumer au lieu de se cacher.
Freeman : Lorsque j’étais un gamin qui, comment avez-vous dit ça, qui redoutait la réaction des autres, on ne voyait pas de jeunes gays faire leur coming-out à la télévision.
Jack : Oui et les Village People étaient les seuls homos américains, c’est ça ?
Freeman : Vous pensez que c’est dérisoire ? Que ce n’est qu’une petite différence culturelle ? Peut-être que vous n’avez pas bien écouté mes cours, Jack.
Jack : Je ne vous demande qu’une chose, laissez vos assistants noter mon travail, la prochaine fois.
Freeman : D’accord, il y a pas de problème.
[Freeman s’en va et Jen arrive près de Jack.]
Jen : Eh ben, cours particulier, il y en a qui ont de la chance. Quel était le thème du jour ?
Jack : Oh, on a réglé, une fois pour toute, cette histoire de note.
Jen : (en faisant la grimace) Oh, alors, ça y est, c’est…
Jack : Réglé ? (Elle hoche la tête) Ouais, c’est limpide. Viens.
[Il la prend par l’épaule et ils s’en vont de l’autre côté.]