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Le temps des remords

Dawson’s Creek : Le temps des remords

Cet épisode se déroule aux environs de la fin de la saison 4, entre « Nombreux désordres amoureux » et « La lauréate ». Pour rappel : Joey et Pacey sont séparés, Dawson et Gretchen aussi ; Jen attend la visite de ses parents pour la remise des diplômes (fictif) ; Jack a enfin embrassé Tobey.

Assise sur un banc, elle repensa à ce qui l’avait amenée ici. Devait-elle franchir cette porte ? Devait-elle lui dire ? Tout s’était bien passé jusqu’alors, pour quoi vouloir tout changer en lui révélant ce qui ferait mieux de rester secret ? Parce qu'il le fallait, tout simplement, soupira-t-elle… lentement, elle se leva et marcha jusqu'à la maison qu’elle connaissait tant.

Une partie de la famille Leery prenait tranquillement son petit déjeuné dans la cuisine, comme tous les matins en somme ; tranquillement, cela était beaucoup dire ! Gaël tentait de nourrir Lilly, ce qui en soit n’était pas une mince affaire, la petite n’étant pas prête d’accepter la purée jaunâtre que sa mère lui présentait. Mitch avait quitté le cocon familial tôt ce matin ; il avait rendez-vous avec le service d’hygiène qui devait inspecter le restaurant. Dawson, quand à lui, était le seul dans la pièce à réellement être tranquille, étant donné qu’il venait de finir ses examens et ses cours, et avec eux, sa dernière année au lycée de Capeside. La petite saynète habituelle de la vie familiale, fut interrompue lorsqu’on frappa à la porte. Gaël, qui venait juste de recevoir la dernière bouchée de Lilly dans la figure, pressa Dawson d’aller ouvrir. Celui-ci s’exécuta sans attendre, et quelle ne fut pas sa surprise quand Joey apparut sur le seuil de la porte, plus belle que jamais, songea-t-il au passage :

- Joey ?! s’exclama-t-il.
- Salut.
- Bonjour… ça faisait longtemps que tu n’étais plus venue ici…, fit remarquer Dawson à son interlocutrice.
- Je sais… mais…, hésita-t-elle .
- Tu voulais me parler de quelque chose ?, questionna-t-il.
- Euh… ben… en faites, oui… mais rien d’important, c’était juste pour savoir… comment tu allais après ta rupture avec Gretchen ? Oui, c’est ça, affirma-t-elle, tu vas bien ?
Dawson ne crut pas un instant qu’elle était venue pour ça, tant il la connaissait bien, mais néanmoins, il se prêta au jeu de son amie d’enfance.
- Ça va… très bien… elle est partie poursuivre ses études.
- Ah ! C’est cool pour elle.
Il ne fallait pas être devin pour remarquer que Joey était mal à l’aise et qu’elle n’avait surtout pas prévu d’alimenter une conversation sur ce sujet. Dawson, en tout bon héros qu’il était, la tira volontairement de l’impasse dans laquelle elle s’était fourrée.
- Oui, oui… et toi, ça va ?
- Oui… pourquoi ça n’irait pas ? dit-elle sur un ton ignorant.
- Tu sais bien ce que je veux dire… ta rupture avec Pacey, lui rappela-t-il.
- On fait, avec… il a dit, qu’il ne pourra plus jamais être simplement mon ami…
- Je connais ça…
Joey se rendit compte trop tard de son erreur et en fut terriblement gênée. Un malaise énorme s’instaura dans la conversation.
- Bon… j’y vais, on se voit à la remise des diplômes ! Bye.
- Au revoir Joey…
Elle fit demi-tour et planta Dawson là sans la moindre explication. Dépité et abattu de voir que Joey n’osait même plus lui parler en face sans mentir, il rentra dans le seul endroit où il se sentait à l’aise pour l’instant, à savoir sa chambre.

Et voilà, elle s’était dégonflée, pensa-t-elle en s’éloignant de la demeure des Leery. Elle n’avait pas eu les tripes de lui dire ce sur quoi elle avait réfléchi pendant la majeure partie de la nuit. Essayons avec l’autre, se dit-elle en prenant une direction qui lui était familière.

Jen descendit les escaliers et déboucha dans la cuisine d’où émanait une odeur simple, mais délicieuse. Sa grand-mère s’affairait à préparer le petit déjeuné. Pourtant, Jen lui avait répété des centaines de fois qu’elle ne mangeait rien le matin ; mais madame Ryan s’obstinait, en prétendant que les choses changeaient tous les jours, selon la volonté du Seigneur, bien sûr. Jen s’assit à la table, avant de faire sursauter sa grand-mère en lui disant bonjour :

- Ah Jennifer ! Bonjour ! Tu m’as fait peur !, dit-elle en se tenant le cœur. Regardes, je t’ai préparé ton petit déjeuné !, déclara-t-elle, pleine d’enthousiasme, comme tous les matins.
- Je vois ça…, observa-t-elle en croisant les jambes sous la table, ce qui lui donna un air un rien plus dominateur. Malheureusement grand-mère, je me vois une nouvelle fois dans l’obligation de te rappeler que je ne mange rien le matin. Et je suppose, qu’en bonne chrétienne que tu es, tu vas me répéter que les choses changent tous les jours, selon la volonté du Seigneur.
- Oui, bien sûr ! Et je continuerais de maintenir mes positions, jusqu'à ce que je sois six pieds sous terre ! Tu verras quand je ne serais plus là, tu regretteras de ne jamais avoir goûté mes omelettes au lard !, dit-elle sur un ton plus menaçant qu’autre chose. Et puis, c’est bien connu, il n’y a que les sots qui ne changent jamais d’avis !
- Nedist pas de bêtise… …fit-elle d’un air triste en se levant. Je vais la goûter ton omelette, dit-elle en frottant le bras de sa grand-mère pour la réconforter.
Sage décision ! Evelyne prit la poêle et servit l’omelette à sa petite fille qui s’était rassise. A l’instant même, la télé annonça un flash spécial.
- Mesdames et messieurs, bonjour, ce matin, un train en direction du Massasuchuet, à déraillé à sa sortie de la ville deNew Yorkk ; les sauveteurs n’ont pour l’instant pas retrouvé de survivant. Le bilan des pertes s’élèvent donc, à l’heure actuelle, à 356 personnes, déclama le présentateur dans lapetitet lucarne.
Il fit place à un reportage en direct où l’on pouvait voir les images horribles d’un train en feu sur le côté de la voie. Les pompiers s’affairaient en vain à éteindre les flammes qui consumaient tous les environs de la catastrophe.
- Les malheureux…, déplora Madame Ryan alors que Jen avait déjà bien entamé son omelette.
- Oui… c’est tellement rare les accidents de train de nos jours, quel coup de malchance !, bafouilla-t-elle la bouche pleine.
Elle finit son omelette rapidement avant de se diriger vers la porte.
- Je vais rendre visite à Jack, annonça-t-elle à titre informatif.
- Bien… si tu me cherches, je serais à l’église, je vais prier pour ces pauvres victimes.
- D’accord… euh… grand-mère, tu sais quand mes parents doivent arriver pour la remise des diplômes ?, demanda-t-elle.
- Ce soir normalement.
- Parfait… j’y vais, à tout à l’heure !
Jen sortit, excitée, laissant sa grand-mère seule.
Sacrée Jen, pensa-t-elle ; elle se demanda comment elle réagirait quand ses parents descendront du train… du train, répéta-t-elle à voix haute ?! Oh Seigneur, pourvu que non ! Elle sortit à son tour, horrifié, et se dirigea vers la gare afin d’en apprendre davantage sur l’accident de ce matin.

Gaël entra dans le restaurant à toute allure, à la recherche de Mitch. Elle ne l’y trouva pas ; il semblait qu’il était rentré chez eux - et de ce fait, elle avait du le croiser -, en laissant la charge du restaurant au cuisinier en chef. Elle apprit aussi que grâce à l’inspection de ce matin, le Leery’s fresh fish était entré dans un grand magasine de promo. Elle remercia son équipe pour ces informations et retourna chez elle.
Une pluie légère s’était abattue sur Capeside ce matin, et les arbres qui n’étaient pas au magnifique et chaleureux soleil qui avait remplacé les nuages dégoulinaient encore. Jack était étendu dans l’herbe, sous l’un d’eux au bord de l’eau, et repensait à l’évolution de sa relation avec Tobey ; certes, ils s’étaient embrassés, mais étaient-ce la bonne décision ? Ne serait-ce pas difficile d’officialiser cette relation ? Il avait pourtant eu déjà l’occasion d’y penser pendant ça relation très chaotique et plutôt amicale qu’amoureuse avec Ethan. Mais ici, tout était remis en question ; Tobey n’était pas Ethan, et ça, il en était conscient. Officialiser, ce n’était plus dire qu’il était homosexuel, c’était être homosexuel. Il ne put pas approfondir sa réflexion plus longtemps, Jen, les cheveux au vent et encore humidifiés du bain de ce matin, l’interrompant :

- Salut ! Je savais que je te trouverais, ici… à quoi tu pensais ?, demanda-t-elle.
- Bof, à rien d’important, mentit-il .
- A rien, vraiment ?, insista la jolie blonde.
- Bon d’accord, je pensais à Tobey et moi, avoua-t-il.
- Ben quoi, vous vous êtes embrassé, vous sortez ensemble, vous vous aimez, tout va pour le mieux ! Pourquoi tu te tracasses encore ?
- Il est là le problème ! Rien n’est officiel !
Jack jeta la première pierre qui lui tomba sous la main dans l’eau en de multiples ricochets qui projetèrent des ondes sur plusieurs mètres aux alentours, le tout formant une fresque au style avant guardiste.
- Attends, je te suis plus… tu veux dire que tu n’arrives pas à te l’avouer, hein ? Parce que pour moi, c’est suffisamment clair.
- Oui, peut-être… pourtant, j’aimerais ! Tu ne peux pas savoir comme je meurs d’envie que tout soit normal ! Lui, moi, nous deux, heureux dans le meilleur des mondes !
- Un conte de fée quoi… résuma-t-elle.
- Si on veut.
- Et alors, il est où le problème ?
- Une partie de moi veut ce conte de fées…
- Et l’autre partie ?
- Elle croit que j’ai fait une erreur, je sais pas pourquoi, ni où, mais c’est comme ça.
- Et quelle partie va l’emporter ?, questionna-t-elle avec sagesse.
Jack souria ; son amie était toujours de bon conseil, sauf quand il s’agissait de sa propre vie.
- Il est encore trop tôt pour le dire.
Les deux amis apprécièrent le silence et la beauté de l’environnement quelques instants avant que Jen n’évoque de lointains souvenirs.
- Je ne sais pas si tu te souviens Jack, mais il y a plus ou moins deux ans, ici même, je t’avais dit que tu trouverais l’amour. Et tu l’as trouvé ! Alors aujourd’hui, je vais te dire autre chose, et tu me croiras ou pas, peu importe. Un jour, Tobey et toi, vous serez heureux.
- C’est ça ta prédiction ? Pas très complexe. Il faut encore espérer que ce jour vienne vite !
- L’attente est égale la moitié du plaisir… c’est ce qu’on dit. Mais tu te souviens aussi que j’avais dit que les choses se produisent au moment où on les attend le moins ?
- Oh oui, je me souviens et juste après,…
Les arrosoirs automatiques s’enclenchèrent au moment même au il essaya tant bien que mal de finir sa phrase, aspergeant les deux amis qui tentèrent en vain de se mettre à l’abri en rigolant.

Le béton défilait sauvagement sous les roues du 4x4 ; les rayons du soleil étaient reflétés par le bitume avec une telle intensité qu’il avait du mal à voir la route. Ca faisait longtemps que Dawson n’avait plus fait ce se qu’il s’apprêtait à faire. Cette dernière année avait mis beaucoup de distance entre eux deux ; non, pas cette année, pensa-t-il, mais plutôt Joey. Après tout, d’un certain point de vue, c’était ça faute si Dawson et Pacey n’étaient plus les meilleurs amis du monde. Si il y avait deux ans quelqu’un était venu lui dire qu’ils se battraient pour la même fille, Dawson l’aurait sans doute envoyé à l’asile le plus proche, et encore plus si cette fille s’avérait être Joey. Comment, sa meilleure amie et son meilleur ami avait-il pu finir ensemble ? Eux qui étaient si différents ! Ces pensées ne firent qu’amplifier la colère refoulée de Dawson. Il écrasa le champignon de l’accélérateur pour évacuer sa frustration. De toute façon, leur histoire était à présent finie, se dit-il pour se calmer, et il en était ravi. Loin de lui l’idée d’apprécier que ses amis souffrent, mais il ne pouvait s’empêcher de trouver une certaine satisfaction dans le fait que désormais Joey était libre. Il gara sa voiture devant la maison de Pacey, que celui-ci s’apprêtait à évacuer, Gretchen n’ayant payé le loyer que pour la fin du mois de juin. Le dernier round du combat entre les deux ex-meilleurs amis de Capeside allait bientôt avoir lieu, et Dawson doutait encore très fort qu’il y ait un vainqueur. Dans ce genre d’histoire, il savait qu’il n’y avait que des vaincus, comme au cinéma.

Le chemin qui menait à la gare était tout ce qu’il y avait de plus simple ; un sentier fait de vieux pavés comme on en trouve dans les vieux quartiers des villes européennes, donnant un charme supplémentaire à cette petite partie de la ville. Evelyne s’approchait, anxieuse à l’idée qu’il se pourrait que… non, c’était impossible, se rassura-t-elle intérieurement. Elle entra dans la petite station de Capeside, un vulgaire bâtiment de pierres rouges meublé de quelques sièges pour les rares voyageurs qui passaient par ici. Il représentait le typique exemple du bâtiment fonctionnel et financièrement peu coûteux sans la moindre attention pour ce qui est de l’esthétique. Madame Ryan s’adressa au seul des deux guichets ouverts. Elle questionna la personne en service au sujet de l’accident survenu ce matin à la sortie de New York afin de savoir si monsieur et madame Lindley faisaient parti du voyage. Son cœur fut rempli de désespoir quand la femme lui répondit par l’affirmative en assurant qu’elle était sincèrement désolée. Un homme grand et élancé surgit de derrière le guichet ; il se présenta comme étant l’un des premiers pompiers à avoir été envoyé sur place, juste après l’accident. Toujours d’après ces dires, ils avaient fournis le maximum d’effort, mais en vain. Afin de réconforter Grams, il lui assura qu’il restait encore de l’espoir. Mais madame Ryan n’était pas dupe ; elle avait vu les images, et elles étaient certaines que personne n’avait pu en réchapper. La grand-mère de Jen sortit de la gare en pleurant. Pourquoi ? Elle n’avait pas besoin de cette triste nouvelle et Jen non plus. Elle hésita quant à la destination à prendre ; devait-elle aller prier à l’église ou bien informer Jen qu’elle était probablement devenue orpheline ? Elle opta pour la seconde, car elle estimait que sa petite fille avait le droit de savoir, même si cela devait la blesser très profondément. Sa décision précise, elle décida de rentrer chez elle pour attendre Jen afin de lui annoncer la sombre nouvelle.

Le jardin de Pacey était mal, voir pas du tout entretenu. Les mauvaises herbes supplantaient les fleurs que Gretchen avait tenté de faire pousser dans toute cette brousse, un peu à l’image de son retour à Capeside, où elle avait essayé tant bien que mal de se reforger une situation sociale entre toutes celles des autres. Bien sûr, elle lui manquait, mais seul Joey importait vraiment pour l’instant. Il frappa à la porte. Pacey vint lui ouvrir sans attendre bien que son visage afficha la surprise quand il vu son ex-meilleur ami dans l’entrée :

- Je peux ? questionna Dawson en désignant l’intérieur comme s’il s’attendait à une réponse négative.
- Bien sûr… répondit Pacey par l’affirmative. Qu’est-ce qui t’amène ?
- Écoutes Pacey, je vais être direct : je sais que ces derniers temps ont été durs pour toi, mais je viens t’apporter une mauvaise nouvelle. Loin de moi l’idée de te faire du mal, mais j’ai l’intention de récupérer Joey, quelque en soit le prix, annonça-t-il en jetant un froid glacial dans la pièce.
Pacey secoua la tête de haut en bas, comme à son habitude quand il était triste, mais résigné ; il s’y attendait. Pacey tendit la main et frappa légèrement Dawson sur le visage. Ce dernier ne comprit pas tout de suite le véritable sens de cette baffe. Pacey l’éclaira sans tarder.
- C’est ça que tu aurais voulu que je fasse ?, dit avec un sourire triste au lèvre. Dawson… je ne pense pas que j’ai le droit de te l’interdire après ce que je t’ai fait l’année passée. Néanmoins, je vais te demander un service, en ami.
- Je t’écoute, dit-il en expirant profondément, signe que cela allait lui demander un immense effort ; cela rappela à Pacey combien leur relation s’était dégradée depuis l’année passée, ce qui ne l’empêcha d’introduire sa requête auprès de Dawson.
- Ne profite pas que Joey soit faible, sur le plan émotionnel et émotif, après notre rupture, pour lui sauter dessus, demanda-t-il.
- Ce n’est pas mon genre Pacey, et tu le sais, affirma son interlocuteur.
- Oui,… oui je le sais.
- Ne t’inquiète pas pour elle, elle s’en sort très bien.
- Prends soin d’elle, Dawson.
Pacey était tout ce qu’il y avait de plus sincère, ce qui affecta profondément le réalisateur ambitieux au grand cœur.
- Je n’y manquerais pas… je te le promets, jura-t-il une larme à l’œil.
- Merci vieux frère, je te le revaudrais.
Pacey n’eut pas sa retenue, et il enlaça Dawson quelque peu surpris par l’initiative. Ainsi, le dernier round se terminait, pensa-t-il. Cela avait été facile, trop facile à son goût même ; Pacey ne s’était pas battu pour conserver Joey à tout prix comme il l’avait fait lui-même un an plus tôt. Preuve sans nul doute qu’ils avaient tous les deux grandis ; ou alors, Pacey n’aimait plus Joey de la même manière qu’auparavant.

Gaël déboula dans la maison comme elle l’avait fait plus tôt pendant la matinée dans le restaurant. Son mari l’attendait devant une tasse de café en lisant son journal, comme le faisait tout bon père de famille à cette heure de la journée, un dimanche matin. Elle annonça que Dawson n’était pas chez Joey et que Bessie ne l’avait pas vu de la journée, tout comme sa petite sœur. Mitch lui demanda tranquillement ce qui la tracassait tant. Elle s’assit dans le fauteuil juste à côté de son époux et commença à lui exposer son problème.

Jen et Jack avaient marché, trempés, jusque devant chez Grams en pleine euphorie dans le but de trouver des vêtements secs. Les arrivants passèrent devant la propriétaire des lieux en la saluant. Celle-ci ne put annoncer la sombre nouvelle à des jeunes aussi heureux. Comment avouer à Jen ce lourd secret qu’elle portait sans la blesser ? Cela semblait impossible à réaliser. Sa petite fille était tellement bien dans son corps ces derniers temps ! Elle semblait avoir trouvé un équilibre de vie parfait et Evelyne ne l’avait jamais vue aussi joyeuse, avec autant le goût de la vie ! Non, de toute évidence, elle ne pourrait jamais lui dire. Pourtant, il le fallait ! conclut madame Ryan. Elle décida de prendre son courage à deux mains et de le lui révéler dès que Jack se serait changé et serait parti.

Là, devant cette autre maison qu’elle connaissait tant, elle repensait à tout ce qu’elle y avait vécu. Curieusement, son premier souvenir fut celui des nombreuses fois où elle y avait fait l’amour avec Pacey. Elle ne put s’empêcher de sourire à cette pensée, sourire qui se transforma bientôt en mélancolie. Elle ne pouvait nier que cela lui manquait affreusement. Pas que ça bien sûr ! Pourtant, elle était convaincue qu’ils avaient fait le bon choix en se séparant ; enfin peut-être pas aussi convaincue que ça. Elle fut exaspérée de constater qu’elle doutait de tout pour l’instant. Les mêmes questions que ce matin l’envahirent. Devait-elle franchir cette porte ? Devait-elle lui dire ? Tout s’était bien passé jusqu’alors, pour quoi vouloir tout changer en lui révélant ce qui ferait mieux de rester secret ? Elle arriva à la même conclusion, parce qu’il le fallait tout simplement… lentement, elle se leva et marcha jusqu'à la maison qu’elle connaissait tant, avec la vague impression d’avoir déjà vécu ceci. Mais la suite des évènements n’eut rien à voir avec ceux de la matinée. Pour la deuxième fois de la journée, elle fut à nouveau surprise, très agréablement cette fois-ci. Pacey et Dawson se tenait enlacés sous ses yeux ébahis ; les deux hommes qu’elle aimait le plus au monde se réconciliaient ouvertement après leur dispute pour elle. Elle ne put s’empêcher de ressentir une certaine fierté à cette pensée. Elle fut doublement heureuse, car cela aidait fortement à son plan ; elle devait justement leur parler sérieusement à tous les deux.
Doucement, elle fit signaler sa présence par une petite toux :

- Joey ?!, s’étonnèrent les deux amis qui se lâchèrent aussitôt.
C’était typique des garçons qui n’aimaient pas qu’on les voie en train de pleurer et de s’étreindre, sous prétexte que c’était un truc de filles. Ça atteignait leur fierté et leur virilité.
- Bonjour… dit-elle en se pinçant les lèvres .
- Quel bon vent t’amènes ici ? questionna Pacey afin que Joey ne les questionne sur leurs actes.
- Moi je vais y aller… déclara Dawson, utilisant une méthode encore plus radicale.
- Non ! Ce que je suis venu dire s’adresse à vous deux.
- Ah…
- Asseyons-nous, ça vaut mieux, conseilla Joey.
- Voyons Joey, qu’est-ce qui se passe, il y a un problème ?, la pressa Pacey, inquièt.
- Non, non, tout va très bien, ou presque. Voilà… c’est pas facile à dire, alors laissez-moi parler. Pacey, je crois que je t’aime encore, et notre rupture n’a été qu’un pur concours de circonstances, j’en suis persuadée, révéla-t-elle. Dawson, je crois… que tu es mon âme sœur, et que forcément je t’aime aussi. En bref, je suis face à un gros dilemme qui ne m’est pas inconnu ; je vous aime tous les deux, et je ne veux plus choisir. Alors, voilà : Pacey, je t’aime, tu m’aimes encore, je l’espère. Dawson, je t’aime, tu m’aimes, je l’espère aussi. Vous deux, vous étiez encore les meilleurs amis du monde, il y a pas si longtemps et vous le redeviendrez, j’en suis sûre. Alors, voilà ce que je vous propose : un ménage à trois à Boston. Comme ça j’irais à Worthington, Dawson, tu trouveras bien une fac de cinéma et toi Pacey, tu pourras toujours te lancer dans la vie active ! Voilà,… je sais que dit comme ça, ça peut paraître idiot, mais j’y ai bien réfléchi, et je pense que c’est la seule solution qui nous évitera de souffrir encore, termina-t-elle à bout de souffle après ce long monologue. Alors, qu’est-ce que vous en pensez ?

La chambre de Jen n’avait cessé de gagner en couleurs depuis son arrivée. Sur les murs, des posters avaient commencé à s’amasser. Le sol était recouvert d’un tapis aux teintes jaunes et mauves et ses draps de lit était aux couleurs d’un groupe de rock, très tendance dans les environs de Boston. Ca chambre représentait non seulement sa propre évolution, mais aussi de sa relation avec sa grand-mère. Quand elle était arrivée, jamais Grams n’aurait autorisé ces couleurs jeunes, révoltées et païennes. Aujourd’hui, elle avait accepté que l’on puisse avoir d’autres goûts et d’autres croyances que les siennes, et tout le monde s’en portait mieux ! Ils redescendirent dans la cuisine après avoir changé leurs vêtements humides. Jack était vêtu d’un des vieux T-shirts de Jen. Comme cette dernière l’avait justement fait remarquer, ce n’était pas très grave si on le traitait d’homo étant donné que c’était vrai. L’homo annonça donc qu’il avait rendez-vous avec Tobey. Il embrassa sa meilleure amie sur la joue et salua Madame Ryan, avant de quitter la maison dans laquelle il avait habité un bout de temps.
Grams, triste, mais pleine de détermination, se retrouvait enfin seul avec sa petite fille :

- Jen, chérie… commença-t-elle.
- Oui, grand-mère ?
Jen se rapprocha de sa grand-mère.
- Il y a quelque chose que tu dois savoir…
- Je t’écoute, affirma sa petite fille qui avait déjà adopté sa figure que Grams lui connaissait tant et qui signifiait « Ce n’est pas une mauvaise nouvelle au moins ? ».
Madame Ryan ouvrit la bouche, mais rien n’en sortit, ne faisant qu’amplifier l’inquiétude de Jen.
- C’est grave ?
Sa grand-mère acquiesça.
- Voyons grand-mère, qu’est-ce qui se passe ?, la pressa-t-elle.
- C’est au sujet de tes parents…
- Ah… ils ont eu un empêchement, je suppose…, conclut Jen soulagée.
Evelyne secoua la tête de gauche à droite.
- Non ? Mais… qu’est-ce que c’est alors ?, questionna-t-elle de nouveau inquiète.
- Tu… tu te souviens de l’accident de train de ce matin ?, balbutia-t-elle.
- Oui, pourquoi ?, questionna-t-elle les yeux déjà remplis de larmes.
- Tes… tes parents étaient à bord de ce train qui a déraillé, finit-elle par dire après maintes hésitations.
Jen fut frappée de stupeur, comme si on venait de la foudroyer sur place. Elle lâcha la main de sa grand-mère, recula de quelques pas avant de buter sur le bord de la cuisinière ; elle semblait perdue ou plutôt, elle l’était. Bien qu’elle était brouillée avec ses parents et convaincues qu’ils n’avaient pas de cœur, ça n’en restait pas moins ses géniteurs ; elle réalisa qu’on venait de lui arracher une partie d’elle-même. Grams aussi eut une impression pareille. Les deux femmes de la famille Ryan avaient les larmes aux yeux, mais se retenaient de pleurer malgré tout.
- Alors… alors, ils sont morts ?
La toute nouvelle orpheline n’attendait pas de réponse, elle l’avait dit à voix haute seulement pour se le confirmer à elle-même. Ce fut la phrase en trop ; Jen et sa grand-mère fondirent en larmes. Celle-ci se leva pour prendre Jen dans ses bras et la serrer très fort ; désormais, elle n’avait vraiment plus qu’elle au monde, et elle se jura de s’appliquer à la protéger de tous les dangers qui la guetteraient à l’avenir, encore mieux que par le passé.

Il régnait un silence de mort dans le salon des Leery. Mitch le perturba de façon significative avec sa voix grave :

- Et c’est pour ça que tu es si pressée ! s’exclama Mitch. Tout ça pour une simple photo de Dawson, Joey et Pacey à la maternelle !
- Oui, je sais que ce n’est pas grand-chose, mais les relations entre eux sont si tendues ces derniers temps que je me suis dit qu’en leur montrant cette photo, il se rappellerait comme ils étaient de bons amis dans le temps.
- C’est une excellente idée, Gaël, admit Mitch. Mais ça n’a rien d’urgent, alors on va attendre patiemment que Dawson rentre, d’accord ?
- Oui… bien sûr. Je me suis affolée pour rien !
Mitch l’observa des pieds au visage en faisant oui de la tête. Ces derniers temps, sa femme l’inquiétait ; elle était toujours stressée pour un rien. Mitch se convainquit intérieurement qu’il n’y avait pas de problème, peut-être parce qu’il n’en voulait pas.

La route, ou plutôt le chemin de terre battue, sur lequel elle marchait, reliait le bord de mer, où Pacey habitait, au centre-ville. Elle avait quitté Pacey et Dawson avec un goût d’inachevée, et ce, à juste titre puisque tous deux lui avaient répondu qu’ils avaient besoin de temps. Pourtant, elle comprenait parfaitement cela ; l’un devait quitter une école de cinéma renommée, à Hollywood, autrement dit renoncer à son rêve de toujours ; l’autre devrait venir vivre avec une fille qu’il venait juste de quitter et sans garantie pour son avenir professionnel. C’était totalement impossible qu’il lui réponde positivement ! Elle repensa à sa proposition, et se dit que finalement, elle n’avait rien d’attrayant, ni pour Dawson, ni pour Pacey, ni même pour elle, la petite Joey Potter. Non, finalement, c’était peut-être une erreur ; une de plus, se dit-elle, consciente de se faire du mal en l’admettant.

L’air devenait lourd et il y aurait probablement de l’orage dans pas longtemps. Jack voulut mettre sa veste de footballeur comme n’importe qui d’autre l’aurait fait par un temps pareil, mais s’aperçut qu’il l’avait laissé chez madame Ryan. Il fit demi-tour sans attendre. De retour dans la maison, il surprit Madame Ryan et Jen enlacées, mais ne saisit pas tout de suite la gravité de la situation :

- C’est encore moi !, s’écria-t-il.
Il se rendit bientôt compte que quelque chose clochait, comme on dit dans le langage familier.
- Qu’est-ce qui se passe ?, demanda-t-il plus calmement.
Dans un premier temps, seul le vide consentit à lui répondre. Puis Jen annonça clairement ;
- Mes parents sont morts, Jack ! Dans un accident de train…
Elle quitta les bras de sa grand-mère pour foncer furieuse sur son ami homosexuel.
- Morts ! Ils sont morts, morts, morts !, hurla-t-elle en empoignant la veste de footballeur de Jack. Celui-ci la prit dans ses bras alors qu’elle se débattait avec fougue.
- Lala, Jen, du calme… lui murmura-t-il à l’oreille.
Jack malgré le fait qu’il s’efforçait de paraître réconfortant et sûr de lui, était terrifié. Certes, Jen ne portait pas ses parents dans son cœur, mais il savait qu’elle gardait secrètement l’espoir qu’un jour tout s’arrangerait, et il comprit qu’avec leur mort, ce ne sera jamais plus le cas. Il savait qu’elle allait culpabiliser de n’avoir pas été une fille plus sage, plus exemplaire, plus parfaite et même s’il n’avait jamais rencontré ses parents, il éprouvait autant de tristesse que si ça avait été les siens qui avait été dans ce train. Jen était sa meilleure amie, même plus, elle était sa deuxième famille, et elle ne méritait vraiment pas ça. La terreur se transforma bientôt en colère vers cette chose métaphysique - Dieu, le destin, ou n’importe qui d’autre - qui avait décidé de faire subir une épreuve supplémentaire à Jen. À ces pensées, il la serra encore plus fort dans ses bras, afin de la protéger du mieux qu’il pouvait. Il remarqua Grams qui sortait en pleurant. Ca avait du lui faire un sacré choc à elle aussi de perdre sa seule fille, et Jack avait une petite idée d’où elle était allée.

Les maisons de Dawson et Jen étaient en parfait contraste ; l’une grande et belle, et l’autre petite et avait un certain charme. Leur seul point commun, c’était qu’elles étaient blanches. Dawson se resaisit ; sur tout le trajet de retour, il avait pensé à tout sauf à Joey et à sa proposition. Il mit le frein à main avant de descendre de voiture. Il se dirigea lentement vers sa maison quand il aperçut madame Ryan partir en pleurant. Que s’était-il encore passé ? Une dispute avec Jen, probablement. C’était moins fréquent ces derniers temps, mais ça arrivait encore. Il entreprit de découvrir lui-même le problème et pivota vers la maison voisine. Il grimpa les marches qui le menèrent vers la porte et constata à quel point le silence régnait, un silence de mort songea-t-il, sans arrière pensé et sans la moindre idée que ça avait effectivement un rapport avec la mort. Il frappa à la porte, mais personne ne vint lui ouvrir. Il commença à sérieusement s’inquiéter. Était-ce Jen qui avait eu un problème, un accident ? Il pénétra sans invitation dans la maison où régnait encore l’odeur de l’omelette de ce matin. C’est alors qu’il vu les deux amis enlacés comme s’ils ne faisaient qu’un.

Juste après la déclaration de Joey, Pacey s’était directement rendu dans le bar le plus proche. Sa seule envie était alors de boire pour oublier ; oublier que son ex qu'il venait juste de quitter dans la douleur lui proposait de vivre avec elle et son meilleur ami à Boston ; qu’il n’avait toujours aucune idée de ce qu’il allait faire plus tard et qu’il n’était même pas sûr d’avoir décroché le diplôme de fin d’études . Bref, sa vie était un vrai désastre, un immense champ de bataille et ce n’était la faute de personne sinon la sienne. A cette pensée, il demanda au barman de lui rendre un autre verre. Mais à sa grande surprise, celui-ci lui demanda de montrer sa carte d’identité. Pacey sentit alors qu’il n’avait fait qu’empirer la situation en buvant.

Elle poussa la porte et sentit directement une grande bouffée de fumée dans ses narines qui émanait du comptoir au se dressait un homme dans la force de l’âge, en embonpoint et barbu, un cigare à la main. Elle chercha des yeux le journal ; dans une librairie, elle ne devrait pas avoir trop de mal à en trouver un, et pourtant, elle dut insister pour en découvrir un parmi les différentes revues en tout genre. La une montrait un accident de train, qui n’avait fait aucun survivant. Elle se dirigea vers la caisse et y montra le journal. Sur l’étalage, elle remarqua des billets de loterie, en saisit deux et les ajouta au journal. Sans un mot, le barbu tapa le code-barre sur sa machine et tendit la main. Il se contenta d’énoncer le prix à payer. Joey fut indignée de voir à quel point les gens pouvaient être grossiés. Elle déposa la somme due dans la main aux doigts épais qui était ouverte devant elle et s’empressa de quitter l’établissement nauséabond, outrée.

La cuisine de madame Ryan commençait à prendre l’aspect d’une pièce de vaudeville. Jack lui avait expliqué la situation, Jen étant pour l’instant dans un état sentimental qui la laissait dans l’incapacité de le faire. Dawson présenta ses condoléances à son amie, ne sachant trop quoi dire. Il aurait voulu lâcher un beau discours réconfortant, mais rien ne lui vint à l’esprit. De toute façon, Jack devait déjà lui en avoir trouvé un, pensa-t-il, à tort. Il éprouva une gêne immense, car il n’arrivait même pas à être triste pour Jen. Il ne connaissait pas ses parents, même s’il avait déjà rencontré sa mère - qui au passage ne lui avait pas vraiment fait bonne impression - et la réputation que leur avait créée leur fille à Capeside n’était pas des meilleurs. Il se sentit coupable de ne pas réagir au malheur de son amie. Sa culpabilité ne fit qu’augmenter quand il annonça que ses parents l’attendaient, un moyen détourné de trouver une échappatoire à cette situation délicate avec laquelle Dawson n’avait aucune expérience ; on ne pouvait pas conseiller quelque chose qu’on n’avait pas vécu, pensait-il. Jen ne lui en voulut pas pour autant et lui confirma qu’il pouvait y aller. Il s’empressa de quitter la demeure de madame Ryan. Une fois sorti, il rentra chez lui, ne réalisant toujours pas très bien la gravité de la situation pour Jen ; pour l’heure, il avait d’autres problèmes.

Les deux cellules étaient petites, étroites et pas très bien entretenues ; il n’y avait pas besoin de plus pour les habituels gros buveurs de bières, barbus. Dans une aussi petite ville que Capeside, les voleurs et autres assassins n’étaient pas monnaie courante. Il était là depuis quelque minute quand Doug arriva au commissariat. Ce dernier ouvrit la porte de la cellule où se trouvait son frère, arrêté pour état d’ivresse. Intérieurement, il était consterné par son comportement, car ça ne faisait pas si longtemps qu’il avait déjà dû lui faire la moral au sujet de l’alcool. Pacey se releva et ne lui laissa pas le temps de parler :

- Je sais ce que tu vas dire, Doug. Oui, je suis un gars irresponsable. Oui, je suis un incapable. Oui, je n’ai aucun avenir et oui, j’ai l’intention de finir mes jours en tant que serveur dans un petit resto de Capeside, s’énerva-t-il en crescendo. Et c’est pour cela que j’ai bu jusqu’à ce que je tombe raide mort.
Doug lui mit un coup de poing presque instantanément.
- Je t’interdis de dire ça, Pacey…,dit-il d’un ton grave.
Pacey fut moins en colère qu’on aurait pu s’y attendre. En temps normal, qui que se soit qui l’ait frappé - à part une fille, bien sûr -, il aurait rendu le coup. Mais il n’avait plus l’énérgie, même pour un aussi maigre effort.
- Ca alors ! Je pensais que tu serais le premier, avec papa, à le confirmer pourtant !
- Et bien non…, je suis persuadé que tu n’es rien de tout cela ; tu t’en es toujours bien sorti dans la vie, parfois juste sur le fil, oui, mais tu y es arrivé. Alors qu’elle est la vraie raison de cette nouvelle cure d’alcool ?
Pacey se gratta derrière la tête et commença à conter son histoire à Doug adossé contre le mur, car il semblait être le seul à pouvoir l’aider pour l’instant, et c’était déjà mieux que rien.

Madame Ryan entra dans l’église, toujours aussi fortement boulversée, s’assit à la toute première rangée de bancs devant l’autel et se mit à prier pour le salut des âmes de sa fille et de son beau-fils. Elle ne put néanmoins pas contenir la haine qu’elle portait au Seigneur depuis l’accident. Pourquoi lui avoir encore enlevé des proches, qu’elle aimait malgré leurs défauts, et Dieu seul savait, combien ils sont, non étaient, nombreux , ironisa-t-elle.

Joey franchit le seuil de la porte ; sa maison était vide, Bessie étant partie à l’hôpital parce qu’Alexander avait contracté la varicelle. Elle avait déjeuné rapidement avant d’aller trouver Pacey ; les restes étaient toujours sur la table à manger. Elle posa le journal sur la table et entreprit de gratter les billets qu’elle venait d’acheter, histoire de ne pas se faire des idées plus longtemps. Pour ce faire, elle s’empara d’une pièce au fond de sa poche comme à son habitude. Elle débuta son « grattage », en espérant vivement gagner, même rien qu’une toute petite somme. Ça lui permettrait d’avoir un peu d’argent de poche en arrivant à Boston, ce qui ne serait pas plus mal. Le premier billet ne donna rien, même pas la prime minimale. Elle s’attaqua alors au second sans se faire trop d’illusions quant à ses chances de gagner.

Après que Jen lui ait assuré que tout se passerait bien, Jack était parti retrouver Tobey - qui ne manquerait pas de le sermonner sur son retard - en lui rappelant que sa grand-mère était probablement partie à l’église à l’heure actuelle. Jen le remercia de son soutient, puis monta dans sa chambre, et s’étala lourdement sur son lit. Elle avait tellement pleuré qu’elle avait l’impression d’être complètement déshydratée ; elle saisit la bouteille d’eau sur sa table de chevet pour y remédier. Ensuite, elle commença à réfléchir sur tout et sur rien. Sur sa vie d’abord… qu’allait-elle devenir sans parents ? Ce n’était pas un problème de toute façon puisqu’elle se passait très bien d’eux depuis plusieurs années. En faite, le seul problème c’est qu’elle n’aurait jamais l’occasion de mettre les choses au point avec ses parents ; se réconcilier avec ou leur dire ce qu’elle pense vraiment, maintenant ça lui était impossible. Mais elle aurait tant voulu… pour éviter de se remettre à pleurer, elle prit la décision de sortir et d’aller retrouver sa grand-mère à l’église.

Dawson entra dans sa chère maison ; Mitch et Gaël lisait dans le salon ; pour une fois, Lilly dormait paisiblement dans son parc pour enfants. Le fils prodigue entrepris d’exposer la situation à ses parents, d’abord sur Jen et ses parents et après sur la conversation qu’il avait eu avec Joey et Pacey. C’est sa mère qui parla la première :

- Ah chéri ! Te voilà ! Viens, j’ai quelque chose à te montrer.
- Attends !
- Quoi ? Un problème ?
- Les parents de Jen sont morts dans un accident de train, ce matin, dit-il de son ton le plus grave.
- Oh…, fit Gaël. Et comment va Jen ?
- Pas très bien… je ne suis pas resté, je ne savais pas quoi lui dire, avoua-t-il. Mais Jack était avec elle, ajouta-t-il pour ne pas passer pour un homme sans coeur.
- Soit…
- Je me chargerais d’adresser, mais condoléances à madame Ryan, intervint Mitch.
- Soit… où en étais-je ? Ah oui, je faisais un peu de rangement quand j’ai découvert ceci…
Elle sortit une photo d’une vieille boîte en carton qui se trouvait dans une vieille commode du 19ème siècle.
- Qu’est-ce que c’est ?, demanda Dawson.
Elle lui montra la photo.
- C’est toi, Joey et Pacey à l’école maternelle. Je me suis dis que comme ces derniers temps les relations entre vous étaient plutôt tendues, cette photo te rappellerait le temps où vous étiez les meilleurs amis du monde.
- Ta mère et moi nous faisons beaucoup de soucis, Dawson… on ne voudrait pas que tu te retrouves sans le moindre ami plus tard…
Dawson sourit à la réflexion de son père.
- Ne vous inquiétez pas pour ça… justement à propos de Pacey et Joey, il fallait que je vous parle de quelque chose…

Doug se caressa le menton comme les sages se caressent la barbe. Sauf qu’il n’avait pas vraiment de barbe, et qu’il était loin d’être un sage. Il réfléchissait juste à l’histoire de Pacey, au sujet de la proposition de Joey. Il lui donna son opinion :

- Écoutes, Pacey,… je me souviens, qu’il y a un an, dans ce même commissariat, dans cette même cellule tu m’avais révélé que tu étais follement amoureux d’une fille… alors si ces sentiments n’ont pas changés, je ne vois pas pourquoi tu refuserais… quitte à être crétin, autant l’être auprès de ceux qu’on aime.
- Hélas… ces sentiments ont changé, révéla Pacey. Je… je crois que je l’aime toujours, mais… plus autant qu’avant… révéla-t-il.
- Tu crois ou tu sais ?
- Je le sais…
- Alors où est le problème ?, dit-il en haussant les épaules.
- Je ne l’aime plus autant qu’avant, et j’ai voulu… créer une distance entre elle et moi, pour mieux apprendre à la redésirer. Et puis j’avais l’impression de ne rien être à côté d’elle, la jolie et brillante fille. Tu comprends ?
- C’est pas très clair, mais je crois que j’ai pigé… en bref, tu souhaiterais rester son amie, le temps de faire le ménage dans ta tête, c’est ça ?, demanda-t-il.
- Ouais… mais j’ai peur, peur qu’elle ne retourne avec Dawson, pour toujours, voilà pourquoi j’hésite à accepter sa proposition. Qu’est-ce que tu en penses, toi ?
- Tu as décidé de prendre tes distances, alors assumes ton choix. Si elle retourne avec Dawson, dis-toi que rien n’est définitif, et que si vous devez finir ensemble alors rien ne pourra l’empêcher, conclut-il.
Pacey fit la moue.
- Mouais… mais si je refuse, elle risque de se vexer, surtout avec mes arguments flous.
- D’après ce que je sais d’elle, je ne pense pas que ça soit le genre de Joey ; elle acceptera ton refus et le comprendra… et puis cette proposition tenait seulement si vous y alliez tous les deux, et je ne pense pas qu’elle décide de partir avec seulement Dawson.
Doug se leva et se dirigea vers la porte de la cellule.
- Allez, dehors ! Je pense que tu as des choses à faire.
Pacey se leva et serra son frère dans ses bras, le remerciant. Il déambula quelques instants dans les couloirs du commissariat, puis sortit pour chercher sa voiture, qu’il trouva sur le parking en face du bâtiment de la police. Il mit le contact et prit la route pour retourner chez Joey.

Mitch adopta un visage grave en rapport avec la situation ; son fils avait reçu une proposition qui aux premiers abords était irrefusable pour lui. Partir vivre avec la fille qu’il aimait, même si pour cela il devait abandonner ses rêves, Dawson en était capable. Il l’avait prouvé quand il avait failli suivre Gretchen, il y a très peu de temps de cela. Mais Mitch n’avait pas l’intention de lui laisser faire une telle bêtise qui risquait de lui coûter sa future carrière. Il tenait trop à son fils pour ça. Il lui donna son point de vue :

- Dawson, je suis heureux que tu nous en parles… pour ma part, je ne pense pas que tu dois accepter… tu aimes Joey, je ne le contredis pas et je respecte le fait que tu sois prêt à tout sacrifier pour elle, mais tu ne peux pas la suivre et condamner ton avenir professionnel pour autant, déclara-t-il, sérieux comme à chaque fois que Dawson avait un problème. Il appréciait que son père soit là pour l’aider dans les situations difficiles, mais parfois il regrettait sa présence qui lui mettait des bâtons dans les roues, comme aujourd’hui.
- Mais pourtant, vous m’avez toujours dit qu’on devait suivre le choix de son cœur.
Sa tentative d’argumentation fut contrée par sa mère.
- Oui, mon chéri, mais il faut parfois écouter la raison aussi… et puis il y a Pacey. Le ménage à trois n’est pas vraiment une solution d’avenir…
Il le savait, mais seul Joey importait. Il savait qu’il faisait une fixation, mais il en était heureux.
- Donc, vous êtes contre…
Ses parents acquiescèrent.
- Et bien, moi je décide de suivre mon cœur encore une fois, comme je l’ai toujours fait… je partirais avec elle. J’ai attendu qu’elle me le demande toute ma vie. Merci pour le conseil et désolé si je vous ai déçu. Mais je suis certain de faire le bon choix.
Il quitta sa chambre malgré le fait que son père le priait de rester. Mitch et Gaël se regardèrent, conscient l’un et l’autre qu’ils ne pouvaient plus rien faire.

L’église de Capeside était une très vieille bâtisse de style gothique, comme les grandes cathédrales d’Europe. On y avait récemment commencé de nouveau travaux de restauration, au niveau de la toiture qui commençait à poser de sérieux problèmes dût à des effondrements. Jen arriva sur le parvis de l’église. Ça faisait bien longtemps qu’elle n’était plus entrée dedans ; depuis la mort de son grand-père. Elle y pénétra malgré tout ; il n’y avait pas grand monde en dehors des heures de messes et rapidement, elle repéra sa grand-mère qui priait juste devant l’autel, et la rejoignit. Elle s’assit à côté d’elle et demanda sans la moindre raison :

- Plus on est près du Seigneur et plus on a de chance qu’il exauce vos prières ?
Evelyne sourit, car Jen disait ça inconsciemment, sans de vilaines intentions provocatrices comme à son habitude.
- Non, Jen. Le Seigneur nous entend, où que l’on soit. Et puis, il faut que je t’avoue que je ne prie pas pour qu’on exauce mes vœux, ce n’est pas le but de la prière d’ailleurs. Non, je prie parce que ça me fait du bien, révéla-t-elle.
- Bon alors je vais prier aussi si ça fait tellement de bien.
Elle s’avança jusque les marches de l’autel et s’agenouilla, les mains enlacées. Grams se leva à son tour et imita sa petite fille. Elle dut admettre qu’après tant d’années de bons et loyaux services rendus au Seigneur, sa foi était légèrement ébranlée par les récents événements apocalyptiques.

Contrairement à tout ce qu’on aurait pu prédire, l’après- midi fut parmi les plus chauds de l’été. Plusieurs journées comme celle-ci pendant les vacances mettrait en péril la situation du bed & breakfast des sœurs Potter, de par l’absence de climatisation. Deux voitures arrivèrent devant en même temps. Tous deux furent étonnés de voir l’autre arriver en même temps. Dawson et Pacey se serrèrent la pince, avant que ce dernier n’entame la conversation :

- Pas facile de choisir, hein ?
- À qui le dis-tu… après toi .
Il ouvrit la porte du bed & breakfast et laissa passer Pacey. Le hall d’entrée était vide de toute forme de vie humaine. Dans la cuisine, la table du déjeuné n’avait pas été débarrassée. Joey était une fille très ordonnée, mais en certaines périodes de trouble, elle oubliait presque tout. Ils firent quelques pas vers le salon et la découvrir dans le divan, figée sur place devant un billet de loterie.
- Joey ? Qu’est-ce qu’il y a ?, demanda Dawson.
Pas de réaction à première vue.
- Joey !, cria Pacey un peu plus fort.
Cette fois-ci, son visage s’illumina d’un immense sourire. Elle se leva et sauta dans les bras des deux hommes de sa vie.
- C’est génial ! Génial !
- Quoi ? Qu’est-ce qui se passe de génial ?
- Regardez !
Elle leur montra le billet gagnant de plus de 50 000 $.
- Mais Joey, c’est magnifique ! Ca va arranger tous vos problèmes, à toi et à Bessie !, s’exclama Pacey.
- Oui ! Je ne le crois pas… c’est trop beau pour être vrai !
Ses deux amis rirent de bon cœur ; ils étaient réellement heureux pour elle ; dans sa vie, la chance n’avait jamais été très présente, alors elle méritait bien ça. Le problème de tout à l’heure reprit bientôt le dessus. Joey déchanta à son tour un peu après ses amis.
- Ah oui… vous êtes là pour la proposition de ce matin ? Vous êtes venus pour rien, elle ne tient plus, dit-elle insouciamment et avec légèreté.
- Quoi ?, dit Dawson étonné avec un zeste d’amertume dans la voix.
- J’ai réfléchi, mieux qu’avant, et quoi que vous ayez choisi, je ne peux pas vous demander d’abandonner tous vos rêves rien que pour moi.
- Qu’est-ce que tu en sais ? On était peut-être prêt à le faire…, fit Dawson à voix basse en la regardant droit dans les yeux.
- C’est le cas ?, demanda-t-elle émue.
- Non… dit-il en baissant la tête pour masquer la tristesse qui ressortait de son mensonge .
Joey sembla déçue.
- Ah… j’avais cru que…, hésita-t-elle.
- Que quoi ?, questionna-t-il avec un regain d’intérêt.
- Rien… nia-t-elle avec le visage qu’il lui connaissait tant . Et toi Pacey ?
- Non, Joey, je n’avais pas l’intention d’accepter, et sincèrement, tu m’enlèves un poids en retirant la proposition. Mes excuses n’avaient rien de très sain.
Dawson ne sentit pas de mensonge, comme le sien, dans sa voix. Pacey était sincère, comme il l’avait été la plupart du temps de sa vie de débrouillard
- Je,… je dois y aller, marmonna Dawson pour s’échapper de cette situation délicate comme il l’avait fait tantôt avec Jen.
Joey avait remarqué qu’il était mal à l’aise, mais elle n’avait pas osé imaginer que c’était parce qu’il avait l’intention de lui donner une réponse affirmative à la proposition. Non, elle ne pouvait pas se permettre de tirer des conclusions hâtives. Elle sentit une pointe de colère dans sa voix quand il les salua. Pacey lui annonça qu’il y allait aussi. Elle fut désolée de voir à quel point elle avait semé la discorde entre eux, une fois de plus. Sa proposition était bien une nouvelle erreur, mais elle s’en était aperçue bien trop tard et quand elle avait décidé de la retirer, tout était déjà perdu. C’est alors qu’elle se rappela qu’elle venait de gagner à la loterie. Bien sûr, c’était génial, mais elle aurait volontiers donné cet argent pour que tout rentre dans l’ordre, bien qu’elle sut pertinemment bien que l’argent ne compensait pas les amis.

Dawson quitta le pavillon Potter en trombe, furieux. Il écrasa l’herbe de la pelouse qui le séparait de sa voiture. Comment Joey avait-elle pu lui faire coup pareil ? Elle ne s’était même pas rendue compte qu’elle lui avait terriblement fait mal ? Pacey, qui était sorti sur ses pas, le rattrapa et le saisit par le bras :

- Eh ! Qu'est-ce qui te prend ?, demanda-t-il.
- Rien… rien du tout !, cria-t-il en continuant sans se préoccuper de son ami.
Pacey resta quelques instants sur place en regardant Dawson s’éloigner.
- Tu étais prêt à y aller, c’est ça ?, annonça-t-il soudainement.
Dawson stoppa nette sa manœuvre d’évasion. Il se retourna lentement.
- Alors, c’est ça… tu étais prêt à sacrifier tes rêves pour elle ?
- Oui… et ça m’étonne que toi pas !
- Il y a un an, je ne dis pas, mais aujourd’hui, c’est différent… j’aurais été un boulet pour elle plus qu’autre chose si j’avais accepté.
- Joey, c’est toute ma vie Pacey.
Sans mauvaises intentions, Pacye mit le feu aux poudres.
- Ça ne t’a pas empêché de sortir avec ma sœur pourtant…
- Oui, c’est vrai, je suis sorti avec une autre, mais jamais je n’ai cessé de penser à Joey, et jamais je ne cesserais. Et tu n’as pas à me reprocher mon comportement, voleur d’âme sœur.
Pacey encaissa la remarque inhabituelle, sans laisser paraître que ça l’affectait plus que cela. Sur ce, Dawson monta dans le 4x4, encore plus énervé qu’avant, et rentra chez lui. Pacey se retourna vers la maison des Potter et aperçut Joey immobile sur le seuil de la porte. Elle avait probablement surpris leur conversation. Pacey soupira et grimpa rapidement dans sa voiture afin de partir le plus loin possible de cet endroit.

Elle était sortie dans l’intention de s’excuser d’avoir fait cette stupide proposition, histoire de rattraper le coup. Mais ses invités avaient quitté le bateau en train de couler. Effectivement, elle avait tout entendu. Mais elle savait qu’elle ferait mieux de faire semblant que ce n’était pas le cas. Joey saisit le billet de loterie sur la table et décida d’aller l’encaisser tout de suite, histoire de se changer les idées.

Jen était rentrée chez elle pendant que sa grand-mère retournait à la gare pour obtenir de plus amples informations sur l’accident, avec l’espoir qu’il y ait des survivants. Elle s’était fait chauffer un bon thé chaud pour se réconforter et se réchauffer. Même s’il ne faisait pas froid dehors - au contraire, il faisait étouffant - , elle avait le sang gelé à l’idée qu’elle était devenue orpheline. On frappa à la porte. Elle l’ouvrit pour la refermer presque aussitôt quand elle découvrit Drue sur le seuil de la porte. Celui-ci insista ; Jen céda et le laissa entrer dans le hall à contre-coeur :

- Merci Satan d’envoyer un de tes disciples pour m’achever, soupira-t-elle en guise de bienvenue.
- Je sais pour tes parents, déclara-t-il.
Jen ne cacha pas sa surprise. Alors, toute la ville était déjà au courant ? Génial !
- Et je sais aussi que je suis la dernière personne que tu as envie de voir aujourd’hui.
- Tout juste. Au revoir Drue, dit-elle en le mettant à la porte.
- Attends, fit-il en bloquant la porte de sa main. J’étais venu te dire que tes parents étaient des pourritures. Je les ai bien connus, et je sais qu’ils ne valent pas qu’on pleur leur mort.
- C’est gentil de me remonter le moral… souria-t-elle faussement.
- C’est juste pour que tu ne te morfondes pas sur ton sort. Ils ne le méritent pas ; c’est un conseil d’ami, sincère.
- Au revoir…
Elle le poussa dehors alors qu’il criait, « Penses-y ! » à plusieurs reprises. Ouf ! Il était enfin parti… mais il avait raison, et elle le savait. Ses parents étaient des ordures. Elle décida que son deuil serait fini dès demain ; c’est tout ce que méritaient ses géniteurs qu’elle avait tant hai ; il n’y avait aucune raison que toutes leurs fautes soient expiées juste parce qu’ils étaient morts. Elle fut terrifiée de se rendre compte que c’était elle qui avait pensé cela. Elle but une gorgée de thé afin d’oublier, même si ça aurait été plus efficace avec un petit verre d’alcool, pensa-t-elle innocemment au passage.

Il claqua la porte avec rage. Il avait été prêt à tout sacrifier pour elle et voilà comment elle lui rendait la monnaie de sa pièce. Dawson pénétra dans sa maison qui sur l’instant, lui parut affreusement froide ; absolument tout le dégoûtait. Sa mère avait repris son activité préférée - pas vraiment préférée, mais elle n’avait pas le choix - de la fin d’après-midi, à savoir changer les couches de Lilly. C’était ça les jeunes enfants : ils ne vous donnaient presque rien - à part un immense bonheur issu de leur simple présence, bien sûr - mais ils fallaient tous leur donner sans compter. Gaël leva les yeux vers son fils et lui demanda s’il voulait bien lui apporter les couches de rechanges qui se trouvaient dans la même commode du 19ème siècle où se trouvait la photo, juste à côté de lui. Dawson se contenta de répondre sur un ton froid qu’il n’avait pas le temps. Il monta quatre à quatre les escaliers pour déboucher dans sa chambre qui lui sembla tellement petite. La décoration était morne et sans aucun goût ni inspiration. Rien n’allait plus ! Tout semblait s’être effondré autour de lui. Il se laissa tomber sur son lit comme à son habitude quand le monde le dépassait. Il se mit à cogiter sur sa vie, sa famille, ses amis, mais surtout, surtout sur Joey, la seule chose qui semblait encore valoir la peine de vivre en ces instants néfastes.

L’aiguille du compteur dépassa le chiffre 100. Le vent s’abattait furieusement sur les flancs de l’automobile. Pacey était en colère de voir comme Dawson l’avait repoussé et insulté alors qu’il tentait de lui prodiguer conseil. Il y avait deux ans, il n’aurait pas suivi ses conseils, mais il les aurait au moins écoutés. Les anciennes valeurs de cette époque révolue disparaissaient petit à petit. Mais comment en était-on arrivé là ? Deux amis, unis comme les doigts de la main qui du jour au lendemain étaient devenus les pires ennemis du monde, et cela de manière irréversible. Et tout ça pour quoi ? Pour une fille, mais quelle fille ! C’était pour Joey, tout de même. Mais quand on voyait la situation d’aujourd’hui, on ne pouvait qu’en rire… ou en pleurer. L’aiguille dépassa 120… crisssssssssss… il appuya sur le frein de toutes ses forces…

Jen finissait de boire sa tasse de thé ; cela lui avait pris au moins 2 heures de son après-midi, tant elle avait du mal à se concentrer sur ce qu’elle faisait. Elle porta la tasse jusque l’évier, la rinça et ouvrit le lave-vaisselle. Dring ! Baf ! Et une tasse de cassée, une, pensa-t-elle. Le téléphone continua de sonner tandis que Jen ramassait les morceaux brisés à terre. Elle n’avait aucune envie de répondre ; probablement encore quelqu’un qui voulait lui présenter ses condoléances. Ça n’avait pas cessé de la journée ; elle avait terriblement envie de décrocher et de crier bien fort « C’est gentil, mais foutez-moi la paix ! ». Le téléphone continua de produire son bruit strident. Après tout, pourquoi s’en priverait-elle ? Elle se releva et décrocha le combiné :

- C’est gentil, mais foutez-moi la paix !, hurla-t-elle.
Elle se sentit soulagée, mais rien, absolument rien au monde n’aurait pu la préparer à la conversation qu’elle allait avoir.
- Jen… qu’est-ce que tu racontes ?
Le sang de Jen se glaça, à nouveau comme quand on lui avait annoncé que ses parents étaient morts ; normale puisqu’on venait de lui prouver qu’ils étaient ressuscités.
- Maman… balbutia-t-elle .
- Oui, c’est moi.
- Tu… tu n’es pas… morte ?, dit-elle en tremblant de tous ses membres.
- Heureusement non !
- Mais, le train… l’accident… ce qu’a dit grand-mère…
- Je vais t’expliquer… ton père a été retardé à son travail très tard hier soir, et à cause de cela, ou plutôt grâce à cela, nous avons raté le train qui a déraillé ce matin.
- Oh mon Dieu, merci !, dit-elle en s’étonnant elle-même. Alors, vous êtes vivant !
- Oui, nous allons très bien, ton père et moi. Nous sommes en un seul morceau, ou plutôt en deux.
Jen ne fit même pas attention à la blague terriblement risible et pitoyable de sa mère.
- Tu ne peux pas savoir comme je suis soulagée !, s’exclama Jen. Et comme grand-mère va l’être aussi. Nous étions tellement bouleversées.
- Nous sommes désolés de vous avoir laissé dans la détresse, maman et toi, mais on vient seulement d’apprendre que ce train s’était crashé et que vous deviez vous faire du sang d’encre pour nous, s’excusa Helen Lindley.
- Alors, tout va bien ! Quand est-ce que vous arriverez à Capeside pour les diplômes ?, questionna-t-elle.
- Eh bien… justement, je voulais te dire que…
- Quoi ? Y a un problème ?, dit-elle inquiète, mais moins étonnée qu’on aurait pu s’y attendre.
- Ton père et moi avons décidé de ne pas assister à la remise des diplômes… il pense, enfin nous pensons que cet accident de train était censé nous décourager de venir. Donc nous ne viendrons pas, Jen, j’en suis désolée, sincèrement.
Seul le silence répondit à madame Lindley. Mon œil que tu es désolée, pensa Jen.
- Tu sais quoi ? Je vous préférais mieux morts que vivants !, critiqua-t-elle de son ton le plus méchant avant de raccrocher au nez de sa mère.
Elle se lamenta à nouveau sur son sort ; voilà pour quel genre de créatures elle s’était inquiétée. Mais que je suis stupide, songea-t-elle, dégoûtée par ses monstres qui lui servent de parents.

Dawson se releva et prit sa décision. Il ne le savait pas, mais à l’autre bout de la ville, Pacey prit - par le plus grand des hasards, ou tout simplement parce que c’était écrit ainsi - exactement la même décision, exactement au même moment.

Madame Ryan rentra chez elle. Jen, accrochée au téléphone, l’attendait ; elle lui raconta tout ; comment ses parents avaient raté leur train et ainsi évités la mort et comment ils avaient pris la décision de ne pas venir à la remise. Grams éprouva toutes sortes d’émotions diverses au cours de son récit, allant de la joie à la tristesse en passant par la colère. Décidément, sa fille et son beau-fils ne changeraient jamais, hélas. Elle remercia le Seigneur. Au fond d’elle-même, elle était convaincue que Dieu avait mis sa foi à l’épreuve.

Le ciel adopta diverses couleurs à la fois, du bleu au blanc en passant par le pourpre, le tout donnant la vaste sensation d’être face à l’un de ces tableaux impressionnistes que Joey aimait tant. Les derniers rayons de l’astre solaire perçaient à travers les nuages et se reflétaient sur le cour d’eau qu’elle empruntait si souvent dans son jeune temps pour se rendre chez Dawson. Le souffle léger d’Eole - Dieu du vent dans la mythologie grec - baignait l’air d’une chaleur rassurante et pliait les quelques fleurs du jardin des Potter sous sa faible intensité. Le tout formait un décor qui semblait tout droit sorti d’un film, où à la fin de l’histoire, tout rentre dans l’ordre. Joey était sortie dans le jardin ; elle ne savait pas trop bien pourquoi, mais elle avait senti que sa place était dans ce cadre idyllique. Tout était prêt pour le grand final ; mais il n’y en aurait pas, pensa-t-elle. Il n’y avait que dans les films que tout finissait bien. Pourtant, son cœur se mit à battre la chamade quand elle aperçut le 4x4 de Dawson ; sa fréquence cardiaque augmenta encore jusqu’à presque en exploser quand elle remarqua la voiture de Pacey juste derrière celle de Dawson. Ce dernier gara sa voiture devant le charmant bed & breakfast des sœurs Potter pour la troisième fois de la journée. Pacey l’imita. C’est exactement au même moment que les deux personnes à qui elle tenait le plus au monde, les deux hommes de sa vie, sortirent de leurs voitures ; ça aurait été des carrosses ou des chevaux, qu’on eût presque dit un conte de fées. En parfaite harmonie, ils avancèrent vers elle. Comme si cela avait été répété des dizaines de fois, ils déposèrent un baiser sur chacune de ses deux joues. L’un lui offrit des fleurs et l’autre, des chocolats. Ça, ça n’avait rien d’exceptionnel ; tous les hommes pensaient aux fleurs et aux chocolats dès qu’il s’agissait de s’excuser. Mais peu importe, Joey apprécia. C’était le geste qui comptait :

- Laissons tomber les excuses et les analyses pour ce soir s’il vous plaît, supplia Joey de son ton le plus convaincant et avec les beaux yeux noisettes que tout le monde lui connaît.
- D’accord, répondirent les deux garçons en synchronisation totale.
- J’ai quelque chose à vous montrer, enchaîna Dawson, faisant disparaître l’impression du coup monté en surprenant tout le monde.
Il sortit la photo que sa mère lui avait donnée tout à l’heure. Dawson, Joey et Pacey étaient assis sur un banc, l’un à côté de l’autre.
- Qui c’est ?, demanda Pacey d’un air dubitatif qui ne manqua pas d’ajouter une dose d’humour à la situation.
- C’est nous trois à la maternelle…
- Ça alors… c’est complètement fou…
- Je te trouve moins bien aujourd’hui, Joey, ironisa gentiment Pacey.
Un nouveau sourire illumina le visage somptueux de Joey.
- Moi aussi j’ai quelque chose à vous montrer, enchaîna-t-il.
Il sortit de son veston une boîte carrée.
- Décidémment, on arrête pas les surprises ce soir !, remarqua Dawson.
- Qu’est-ce que c’est ?, demanda Joey intéressée.
- La boîte à secret de l’ordre des frères et sœurs de sang, déclara-t-il fièrement.
- Ca alors ! Je l’avais complètement oubliée !, annonça Dawson.
- Moi aussi ! Je croyais que tu avais oublié où tu l’avais enterrée ?
- C’était vrai, mais je suis passé la déterrée avant de venir ici. J’ai retourné ciel et terre, surtout la terre pour la retrouver, plaisanta-t-il. C’est là-dedans que se trouvaient tous nos rêves de jeunesse…
- C’est génial ! Bon à mon tour… dit Joey.
- Tu as quelque chose aussi ?
- Ben oui…
Elle fouilla ses poches et en sortit trois bracelets en or. Elle les donna à Pacey et Dawson. Ceux-ci les observèrent minutieusement et découvrirent leurs noms à tous les trois gravés dessus ; Dawson – Joey – Pacey.
- Voilà… je vous les offre. C’est pour vous rappeler que quoiqu’il arrive dans ce futur si dangereux, on restera toujours les meilleurs amis du monde.
- Joey…, marmonna Dawson. C’est trop… je ne peux pas accepter…
- Moi non plus Potter. On n’a pas besoin de ça !
- Oui, confirma Dawson. C’est tellement… magnifique, génial, fou…
- Pas autant que vous deux, lâcha-t-elle.
Les deux garçons ne purent s’empêcher d’avoir les larmes aux yeux.
- Prenez-les ! J’ai gagné à la loterie !, leur rappela-t-elle.
- Bon d’accord Potter, mais c’est à contrecœur, se réjouit Pacey.
- Amis pour la vie, dit Joey en tendant la main.
- Amis pour la vie, dirent les garçons en tapant dedans.
Le silence paisible qui suivit laissa flotter une sensation de bien-être ultime dans l’air.
- On se croirait revenu à l’époque de cette photo, déclara Pacey en brisant la beauté de l’instant.
Dawson et Joey ne lui en voulurent même pas un peu et sourirent en cœur. Les trois amis s’enlacèrent de toutes leurs forces. A leur manière très spéciale, ils avaient réussi à se réconcilier une fois de plus ; mais c’était es disputes qui rendaient plus fort, et il y’en aurait encore, et ils en étaient tous conscients.

Madame Ryan, Jen et Jack fêtaient la résurrection des époux Lindley. Au même moment, monsieur et madame Leery observaient leur petite fille dormir paisiblement. Devant la maison des sœurs Potter, l’étreinte des trois meilleurs amis que le monde a vus naître se prolongeait indéfiniment…
Comme quoi, les contes de fées se réalisent quelques fois...


FIN



Appréciation du jury:
Ton histoire m'a marquée par son originalité (pseudo mort des lindley et ménage à 3) Bien que le ménage à 3 m'ai un peu surprise au début lol
J'ai aussi beaucoup appréciée tes descriptions de paysages et des sentiments des personnages.
Tu possèdes un très bon style d'écriture à utiliser et à développer.
En bref j'ai beaucoup aimée et j'ai lu avec beaucoup de plaisir
En attendant une autre ...
Searecha
Ecrit par searecha 
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langedu74, 12.03.2024 à 21:00

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mamynicky, 13.03.2024 à 10:37

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sanct08, 14.03.2024 à 11:53

Holà ! Les sondages de Star Trek - Le Caméléon et The X-Files vous attendent ! :=) Pas besoin de connaître les séries

mnoandco, 15.03.2024 à 19:50

Thèmes en vote côté "Préférences". Merci pour vos

lolhawaii, 16.03.2024 à 21:34

Nouveau design pour le quartier 9-1-1 / Lone Star !! On attend avec Prof' vos avis dans les commentaires sous la news du quartier

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